mardi 11 octobre 2016

Nos mémoires dilatées














Photo de Pip Jaramillo


Nos pieds sur le trottoir claquent et comptent les pas.
Au dessus nos compteurs, chrono-maîtres insomniaques, défalquent nos heures
du crédit de nos vies. 
Sans heurts.

Et nos mains serrées l’une dans l’autre se soutiennent et se souviennent.

Silence.
Silence des hommes.
D’ailleurs il n’y a personne ;
que le vent du Nord vers le sud
et nos talons qui frappent le béton
au rythme de nos saisons.

Je t’aime.
Mais je me tais.
Nous avançons bien droits, nos yeux rivés sur ce point utopié.
Tu sais, ce rêve qui battait dans nos confidences nocturnes,
sans que rien ne nous insurge.

Hier ;
quand nos étreintes se moquaient des années,
discrètement se prenaient pour l’éternité.

Demain nous serons là-bas,
sur ce trait de lumière qui danse sous nos cieux.

Heureux et fiers,
si fiers,
indemnes,
oui, parce que nous aurons duré sans accroc,
sans age,
sans accrochage,
sages images,
lissés,
lavés de toute aspérité.

Toi, ma chérie brune aux yeux trempés d’émeraude
et moi riche de tes caresses de l’aube à l’aube.

C’est écrit dans nos nuits,
c’est écrit dans nos vies,
et forts de nos certitudes
sans efforts,
nous cheminons dans nos habitudes ;
bouche contre bouche,
goulus,
nos espoirs scellés dans un baiser ;
c’est écrit dans notre monde,
ce territoire de nos corps partagés.

Du temps où notre hier était encore projet
et notre présent,
présence sans incidence,
sans consistance,
sans insistance.

Nous, jeunes aimants passés de l’or de notre jeunesse,
à l’âge de l’or dans nos noces,
de l’ivresse des grands espaces sous nos yeux qui les embrassent,
à l’angoisse d’une géographie trop étroite pour nos mémoires dilatées.

mercredi 17 août 2016

c'est quoi qui brûle



L'autoroute en flammes et le feu aux fesses, la rage incendiaire et la vie dans l'cirage,
les canadairs au détour d'un virage, nos étreintes d'un autre âge.

C'est quoi, quoi qui brûle ?

La course folle dans les rues, les sirènes dans la ville, des tiges noires érigées qui noircissent la garrigue,

C'est quoi, quoi qui brûle ?

La joie des hommes en plein envol, la candeur d'un p'tit bonheur, chaud devant, chaud chaud, l'amour brûle et meurt sous la jupe de ma nuit.

C'est quoi, quoi qui crame ?

L'info à la une, Pierrot sous la lune, le fond de nos âmes, le chemin des Dames

C'est quoi qui... quoi qui…


Quoi, quoi, le torchon entre toi et moi, ma prière et son dieu… le silence des cieux.

C'est quoi qui crame quoi

La foi incandescente ; demain, dans nos rêves.

Quoi qui clame et meurt ?

La troupe et ses soldats, le feu dans nos veines, la paix happée.

C'est quoi, quoi nos âmes ?

Des scories, des médailles et des jeux, du pain et son cirque, des cracheurs de flammes, deux grammes et demi d'alcool ou d'éther, un éclair, un jeu dans nos yeux, le moins d'une machine, un drapeau que l'on échine ?

C'est quoi, quoi nos âmes

mon amour sous la braise,
tes seins que je baise
La fureur de nos adieux
ces riens entre nous deux
qu'un flot silencieux,
et la terre et son ciel
et nos voix et leur fiel ?

Quoi?








samedi 13 août 2016

Majeur

Je laisserai en arrière, de la poussière sur mon manteau, quelques larmes passagères dans la mémoire des proches, je laisserai un silence une pause, quelques balbutiements de poésie, je cohabiterai avec le désert.

Je disparaîtrai au dessert, entre la crème et la cerise sur le gâteau, parce qu'il faut bien faire mystérieux, quand on devient gâteux, je mettrai une fausse panthère et des griffes, monsieur, monsieur qui côtoyez ma mère dites lui que je pense à elle, monsieur monsieur qui côtoyez mon père dites lui… je laisserai en arrière mon majeur en l'air, face au monde des hommes.

samedi 30 juillet 2016

Quantique

wikipedia
Chercher dans la lumière l'enfant indéfiniment replié sur l'instant mis en boucle, bout de vie suspendu dans un éclair. S'aligner sur sa vitesse et traverser l'ampleur des siècles, les yeux rivés sur ce moment jusqu'à l'infini.

Il court dans l'or de son été, ses jambes offertes à la chaleur de juin, sur son front l'éclat d'une goutte de sueur. Son pas se projette dans l'épaisseur du temps, il court sans arrière pensée, embrasse le couchant à l'heure où les heures sont encore des années, la terre de ses pieds un continent à explorer, à l'heure où l'on a peur des passagers nuiteux que le rêve transporte au creux de ses ailes. Il est sourd aux menaces des ans et il va les paupières closes, dépasse les étoiles, ose. Il va, par delà les horloges.

La raison me crie : fini, fini, le temps nous est décompté. Mais l'enfant voyage au gré de son ignorance parmi les comètes endimanchées, les troupeaux d'astéroïdes qui flânent sans berger. Il va, demande où se cache Dieu, aux soleils, aux trous noirs dévoreurs des mondes. Peut-être l'un d'eux a-t-il englouti le président des célicoles ?

Monsieur le Physicien me dit : tous tes bouts de temps errent dans l'air ou le non air sur le dos d'un rai de lumière. Avec eux l'enfant que tu étais, bondit d'image en image. 

Mais moi je voudrais un trajet sans bris, rester intact d'un bout à l'autre de ma vie et m'acheminer ainsi dans la conscience fluide que j'existe tout au long de ce chemin. Me souvenir que je meurs à la fin de l'histoire pour renaître à l'autre bout. 

Ne rien modifier, ni les coups reçus ni les bonheurs endimanchés ? 

Non je voudrais bien retoucher, agrémenter, corriger. A chacun de mes passages effacer le malheur ou l'erreur, garder les rires et les amplifier, me tailler une vie sur mesure et la contempler quand elle se déroule ainsi augmentée d'un trait, d'un sourire, d'une maladie gommée, d'une tragédie congédiée, d'une tristesse débarrassée. Heureux en boucle.

Mais ta conscience n'est pas science me répond monsieur le Physicien. Pas touche aux données sinon… 

sinon ? 

D'autres toi même se mettent dans l'arène et chevauchent ton trait de lumière. 

Plusieurs vies, où ma conscience s'abîme partagée entre mon moi et mon moi prime, encombreraient l'espace temps? Que c'est bon, ne serait ce qu'un moment, de se sentir multiplié, cacophonique et morcelé.

Monsieur le physicien se fâche et me gronde : on n'efface rien, on ne fait que cumuler.
Quel bazar ! Pas touche aux manettes mon garçon ce n'est pas toi le patron.

mercredi 27 juillet 2016

Il y a ceux qui se taisent

Il y a ceux qui se taisent, baissent les yeux, vivent dans le silence de leur tristesse, le lendemain se lèvent, se douchent, se regardent dans leur miroir, sourient au monde un peu gris qui se réveille avec eux, dans l'odeur d'une amertume triste ; ils se saluent, se tiennent par la main, se soutiennent d'un regard prolongé, cherchent dans la femme ou l'homme qu'ils croisent, le signe d'un encouragement ; ils marchent avec le souvenir douloureux d'une blessure à cicatriser.

Ils ne parleront de rien, éviteront de revenir sur le drame, d'en retenir la fascination lancinante, s'attacheront religieusement à répéter des gestes quotidiens comme se promener avec le moins d'arrière pensée qu'ils le peuvent, s'aimeront avec un peu plus de force, celle qu'on puise dans la douleur, la crainte. Jamais se disent-ils on ne pourra nous dérouter, jamais on ne pourra nous séparer. La mort n'est rien quand on est juste avec soi même, quand on s'abstient de détourner son regard devant l'étranger.

Ils parlent avec leur voisin de tout et de rien parce que chacun sait que l'essentiel est de briser le silence, ils boivent un café à leur terrasse habituelle parce qu'il faut maintenir à tout prix, le fil ténu et sacré qui nous lient ; ils rient de la blague douteuse d'un collègue à l'humour grossier parce que chacun sait que l'on doit résister, ils vont flâner dans les ruelles d'un jour inondé de lumière ou dans la saveur tiède d'une nuit réparatrice; ils se retournent pour suivre la danse d'une robe légère avec le soleil complice et la dame sourira parce qu'elle sait où vont les regards des jeunes mâles. Comme d'habitude, elle en sera avantageusement outrée. Ils s'ennuieront comme d'habitude, s'émerveilleront comme d'habitude, ils se chamailleront comme d'habitude, se rassembleront dans les fêtes estivales, tendront la main – mais pas l'autre joue, plus que de coutume.

Plus que de coutume, une pesanteur nouvelle en mémoire, dont ils ne peuvent s'alléger.
Et tous ensemble ils couvriront de leur voix, les chants désespérants.


vendredi 22 juillet 2016

Lessive

La pluie d'orage tombe à gouttes voluptueusement engrossées des chaleurs passées. Elle tombe ainsi d'un ciel appesanti des heurs et malheurs que le soleil a chauffés puis brûlés jusqu'à les rendre aussi légers qu'une poussière et l'air, le vent les a emportés là haut, de plus en plus haut mais le haut de nos vies s'est encrassé, et maintenant dégorge à grands pleurs.

Le ciel nous renvoie ses hauts le cœur de roulements de gorge en éclats de lumière.
C'en est trop, il est las de ces braillements humains qui encombrent la terre et ses habitants. Il faut qu'il crie, il faut qu'il tempête, il faut qu'il tonnerre, qu'il renvoie sur la terre, sur les hommes affairés à se quereller, nos amertumes, nos aigreurs dont nous nous débarrassons si aisément. Le ciel est suffisamment grand disons nous pour contenir tous nos déchets.
Mais aujourd'hui le bitume sent le sang et la peur et la détresse et la rancœur et toutes ces choses tristes dont on se déleste impunément.

L'eau du ciel emporte vers la mer la couleur de nos âmes et ce n'est pas beau à voir, ni à sentir. Le ciel renvoie à la mer ce qu'il ne peut plus supporter, et la mer avale, avale mais un jour...

jeudi 23 juin 2016

8 heures

8h j'm'lève et j'regard' le soleil.
Pas besoin d'un réveil.
J'm fais un bon café
et pis je me laiss' aller

à voyager derrière mes carreaux.
Et j'vais loin dès l'matin
avec ma tartin' de pain
et mes rêves à gogo.

Je verrai bien l'orient
ou bien encor l'occident
si seul'ment j'avais l'temps
de fair l'tour de mon appartement.

Mais voilà je suis bien trop pris
avec mon agenda d'folie.
Midi j'reste encor au lit :
ça s'remue trop dans c'pays.

Alors je me laisse aller
et je r 'garde le soleil
jusqu'à m'aveugler.
Après c'est plus pareil,

le soir s'amèn sur l'bout des pieds
sans que j'le vois se pointer.
Trop tard pour s'affoler,
la nuit va tout régler,

Mes factur et pis mon loyer.
Pas la peine d'larmoyer,
d'main j'me mets au turbin
dès 8h le matin.

Demain c'est déjà aujourd'hui,
pas vu filer son matin,
la faut' à l'alcool de la nuit,
je sais c'est pas malin.

Si j'ouv' mes yeux enfin,
dehors c'est plus l'mêm' refrain.
Y a la crise toute grise
et sa bande qui défrise.

Ell's zon' tout l'trottoir
où les hom' circul't en noir.
Stop, ne m'fais pas le coup d'l'espoir,
demain sera jamais le matin du grand soir.

Alors ? Alors ;
j'laisse filer mon corps
entr' Rsa et peur du dehors,
jusqu'à ce que la mort

fass' les comptes et règl' mon sort
d'un tranchant sans remord.
En attendant j'laisse la bride
sur le cou d'mes heur'

et j'fil' des nuits torrid'
ent' minuit et cinq heur'.
8h j'me lève j'regard' le soleil
jusqu'à l'ultim' sommeil.

mercredi 15 juin 2016

Maudit poète

Ferai mieux de fermer la fabrique à gamberge, finis les culs secs à la table d'un Rimbaud ou Verlaine, je bois et je trinque mais reste malvoyant, du maudit j'endosse la veste mais reste avec ou sans absinthe le poète myope mal-disant.

Ferai mieux d'aller à la pêche, troquer le mot contre une canne, taquiner le poisson quand le vers me boude, d'ailleurs douze pieds sur l'hameçon n'aguichent plus la truite, l'amateur des rives sauvages s'en va rimer ailleurs, trempe son fil dans d'autres cours qui n'ont plus cours, ces musées où des mots sont mis en momies, épinglés en ribambelles immobiles, mots grenouilles à disséquer en laboratoires de littératures chloro-déformants, dont le jeune apprenant ne retiendra que le cadavre écartelé et vidé de son sang.

Je veux de la chair qui bouge sous mes doigts, agite mes méninges, secoue l'encre de mon stylo, se bat et s'échappe quand je voudrais la maintenir dans mes cages, la montrer dans mon zoo. Je souris quand elle s'enfuit car sa vie est plus forte que ma phrase nécrophage.

La vie bordel s'absente de mon poème et c'est tant mieux car le chasseur de papillons garde l'espoir de la traquer encore, d'étudier son territoire, de lui voler quelques grâces avant qu'elle ne s'évanouisse à nouveau.

Je suis geôlier, je suis pêcheur, voyeur, montreur mais je ne suis pas un tueur.

mercredi 18 mai 2016

Ma ville

Il faut te perdre dans la profondeur et la majesté des ruelles d'ombres que traversent des pans de lumières déchirés par le branchage léger de quelques pins. Ma ville grouille de ce mélange de campagne et de voix mais toujours respire le calme voluptueux, la délicate fragilité d'une musique douce, avec dans son port une pointe de mélancolie.
Je voudrais te dire que je l'aime même si elle est méchante dans ses nuits de beuveries ou quand une folie de meurtres s'empare d'elle sous la lune surprise. Je voudrais te dire que je l'aime même quand elle se répand fumeuse et orgueilleuse dans mes bois d'haleine fraîche.
Je voudrais te dire fièrement, voilà Ma Ville dans son habit de lumière sous son ciel pur d'un bleu tranchant avec ses avenues gorgées de nos passages réguliers, Ma Ville dans son habit de lumière- et ses excès d'ozone.
Avec sa misère qui flotte cachée dans les impasses de nos vies, ses pleurs, ses sanglots dans nos appartements, avec ses voix qui explosent, ses chants d'allégresse, ses fêtes, le flot de mes semblables qui court, danse, crie, rie, parle, bavarde, dit des mots d'amour, des mots de tous les jours, des paroles creuses, des mensonges et des songes qui la rongent, l'assaillent nuit et jour. Et puis les chuchotements, les murmures sous les lampadaires jaunes. Avec ses temples, ses cathédrales consacrés à la pratique consumériste, étalant leurs offres rutilantes à des yeux pleins d'une ferveur quasi religieuse.
Ma Ville avec ses clochards, leurs chiens, leurs chants sur sa grande place et ses allées de platanes verdoyants, l'étrange rondes des dealers et de leurs clients sous le parvis d'une église.
Avec ses essaims de jeunes qui bourdonnent à la terrasse des cafés, s'aiment, se rassemblent, se retrouvent, se touchent la main, déambulent dans leurs costumes de jeunes .
Et la clameur qui résonne, rebondit de façades en façades, éclate d'un rire joyeux, se mélange à l'accordéon roumain, la guitare classique. Toute la musique de la rue.
Ma ville avec ses attroupements de hip-hop, ses mendiants qui prennent la pose d'une infini tristesse professionnelle, son fou qui joue devant la foule des passants comme dans un concert, avec ses femmes qui ondulent dans ses rues aux regards langoureux, avec ses clandestins qui rasent ses murs à la nuit tombée, avec ses drames et ses dames de compagnies, ses tristes travestis, ses vieux et leurs orages de fin de vie.
Je voudrais te dire que je l'aime. Je voudrais te dire que je l'aime quand elle fait la belle devant les files de touristes, quand elle danse intellectuelle au mois de juin, quand elle s'affiche dans ses Festivales avec sa foule qui bestialement avale des litres et des litres de vins, se soûle allègrement sous les flonflons de quelques musicos en mal de contrats. Mais le pourrais-je ?
Je l'aime quand elle se penche sur mon épaule tendrement posée sur son rail et qu'elle glisse silencieuse vers la mer, je l'aime quand elle sourit et se met à rêver sous le couvert de ses allées, je l'aime quand il fait chaud et que ses enfants lui tendent la main, je l'aime quand elle se pare de ses bijoux nocturnes, expose sa gamme de concerts en sous bois, je l'aime quand elle s'endort paisiblement derrière ses volets fermés, je l'aime quand les autres sont couchés, que ses maisons me parlent, que ses monuments s'agitent quand minuit sonne, quand nos voix gambadent de portiques en portiques, quand ses cinémas s'éteignent, qu'il ne reste plus que toi, qu'il ne reste plus que moi à rêver de cette ville qui n'existe pas, de cette ville éparpillée dans de multiples villes et qu'un soir je construits pour toi, pour moi, ni trop belle ni trop sale pour qu'elle est l'air bien en chair.

mercredi 27 avril 2016

La bibliothèque

 
Jérôme vit dans la cité numérique. Il est en contact quasi permanent avec son double informatique, Li mais le jeune homme se tient un peu à l'écart des réseaux. Il préfère lire des livres et explorer la vieille ville encore tout imprégnée d'une époque révolue. Ce n'est pas très commun dans son monde. Au hasard d'une de ses sorties nocturnes ( réchauffement climatique oblige) le vent dépose à ses pieds une page...

Cliquez ci dessous :


vendredi 22 avril 2016

Ecologie libertaire

Murray Bookchin est un « écologiste libertaire ». Son idée de « municipalisme libertaire » est très intéressante. Il affirme notamment que nous sommes tous compétents pour « gérer les affaires de la société ».

Pas la peine de faire de longs discours ici. Allez voir sur wikipedia...





... et la video suivante aussi :



 

mercredi 20 avril 2016

Un jour comme les autres

Je mets un livre audio en ligne pour quelques temps.
Chaque texte poétique fait référence à un événement de société actuel

avec des résonances dans le temps comme
un pavé dans la mare.

Cliquez sur le lien ci dessous et choisissez le fichier "Un jour comme les autres".

PS :dites moi ce que vous en pensez. Merci

Un jour comme les autres

vendredi 25 mars 2016

Ce jour là

J'te le dis ou plutôt j'te le gueule, j'te l'envoie bien gras.

Ce jeudi est le choix d'la brasse coulée quand dans ma matière inondable j'ai vu passer l'moineau. Il a sa plum' gorgée d'eau il a son chant des jours d'printemps. Bell'figure l'oiseau dans ton plumage tiré à quat' duvets, belle allure le moineau dans tes trilles d'apparât.

Et puis paf t'as poussé ton râle avec l'accent des faubourgs. Dans ton sang de piaf i coulait un chant d'nobless un sang rouge et noir à la couleur des trottoirs, mon oiseau.

Quand j't'ai aperçu l'aut'jour qu'i pleuvait avec dans ton bec l'amer des mauvais' fêtes j'ai tout d'suite pigé qu't'avais chaviré dans quelques houles à plumes blanches. Ell' a dû t'fair' tourner dans son vent com'un moussaillon déboussolé et tu t'pointes ici dans le faubourg où qu't'es né y a bien longtemps et tu penses qu'tu pourras recharger tes accus à l'abri des souvenances, mon bel ange. Et tu chiales dans tes plumes mais c'est, tu dis qu'un rhume des foins. Où qu't'en vois par ici de l'herbe à vache y a qu'à la porte du choucas qu't'en trouveras et elle est pas pour les vaches celle là. Ell' te fera gamberger sans billet flotter dans ton malheur sans douleur, tu nous r'viendras la fleur au bec aussi sec, foi de roitelet et j'm'y connais en aventure d'amoureuses.

Ta majesté le p'tit roi c'que t'es laid, t'as la plume en lys et le coeur en couronne d'or mais je viens pas pour l'désamour, j'viens pour un bien plus grand malheur, j'viens pour une douleur d'hom' qui rend fou les oiseaux dans Panam ou Brussel ce temps dernier et d'aut'contrées encor dont j'connais pas l'blaze. De drôl de nazes avec la croyanc' dans les ailes et l'goût du sang dans l'bec. Pointu l'bec comme un fer d'lance. J'sens encor sa douleur dans la chair des siècles, j'me souviens. Ce jour l'humain sentait la poudre et la mort, sans remord il s'est planté dans les bras d'un grand guignol à quat sous genr dabouh mais pas d'là bas s'tu was c'que ça planque dans son sous sol. Genr' Grand Guignol Roi des z'homs. Ces planeurs ont filé à tir' d'aigles, dans la cage à oiseau ont tenaillé la peau, dégommé la chair, éventré les murs.

Des sèm'la mort qui mérit pas l'nom d'la race.

J'ai vu dans leur plume un rouge tâcher leur costume de manches.

Faux qu'du faux dans leur chant vers qui qu'ce soit qui tient les becs là haut.

jeudi 24 mars 2016

Vivre

La vie grasse sur ma crasse,
la vie crisse et glisse sur l'asphalte,
la vie à pleines dents jusqu'à cisailler son fil,
la vie faut se la couler en coussins ouatés,
se la calfeutrer, se la protéger
parce qu'il y a dans son ventre
l'arrondi d'un espoir à naître,
à n'être que la main après la main,
une passade,
fulgurante passe.

La vie casse mes doutes,
arrache mes désamours,
la vie glisse son rire
sur tous mes pelages mouillés
dans mes rêves d'enfant,
la vie qu'on traque,
la vie qu'on braque,
qu'on triture sur le bitume,
la vie qu'on noie dans son chagrin,
qu'on perd dans un océan de drames,
qu'on brûle par tous les bouts.

La vie brute brutale
sur qui on bute à chaque pas,
la vie qu'on accroche à nos rêves
sans trêve et sans relâche
qui se donne sans retour à l’œil
qui la porte sur sa rétine.

Vivre jusqu'à l'usure des jours,
jusqu'à la nuit,
jusqu'à l'apaisement,
vivre rouge de nos essoufflements.

Vivre enfin
parce qu'on ne peut pas faire autrement.

Mais vivre bordel.

lundi 21 mars 2016

Torpille

Photo Kyra Kendall

Que tu marches ou que tu danses,
tes hanches que tu déhanches
défient le mâle en manque.

Il a la faim dans le ventre.

A l'affût il affûte son rut,
et il lance sur tes trousses
des yeux qui te détroussent.

Il a le feu dans sa cambuse.

Déjà l'ardeur de son soleil
qui n'est pas l'astre des cieux
ardemment ronge son essieu.

Il a la teub qui s'éveille

Monsieur, monsieur, allons, monsieur
sous ces cieux sourcilleux
sachez garder tête froide.

Il a tes reins sur'l'bout des doigts

Mais tes jambes longues longues jambes
s'étirent dans la musique.

SOLOooo

Bave ta zik, file ton flow
dégain' ton gun dégueul' tes riffs
lâche ta vie oh lance ton cri.

Elle a la soif à fleur de peau

Johnny griffe, vide ton slam
tire le son, crach'ton solo
Johnny Johnny joue ta flamme

Elle a le move sous le capot


Allo, mollo, mollo de l'air!
Ceci n'est qu'un jeu de jambes
dans l'air d'un rock, jeux de rampe.

Elle a sa faim en bandoulière


Mais le rouge inonde ses yeux
mais la chaleur se fait vapeur
attise le soldat du feu.

Il est l'incendiaire sapeur !

Il a chaud et rien ne se passe
que la canicule n'écrase
et la moindre de ses raideurs,

s'évapore dans la torpeur.

Rideur, ton solo s'étrangle,
Rideur t'extirpe ta fureur
le long d'ses jambes en sueur.

Elle gimmick  mais lui sans beat.

jeudi 10 mars 2016

La complainte du vieil âne

Vieillard à tête chenu, vieille tête penchante broute l'air de son chant et lorgne par dessus sa clôture les braiments affirmés des jeunes mâles en parade. Vieil âne au pelage fripé sous les coups répétés des années s'attriste quand par le truchement cruel d'un regard de femme, il croise son reflet que caricature la pupille d'une dame. Il baisse la tête, accepte l'ironie d'un sort en habit de drame et se tait. Une larme et de l'encre sur une feuille aussi blanche que sa chevelure noircit en quelques écritures la candeur du papier. Et le vieil animal enfante d'un désespoir que personne ne lira parce qu'on ne fait pas du neuf avec du vieux. Un vieillard qui donne dans le vieil art poussiéreux, ce n'est pas sérieux. 

Il s'en alla errant dans le champ de sa plainte, espérait trouver une quelconque once de douceur auprès de sa compagne aux belles couleurs encore , lui offrit la chair de sa poésie. Il n'y trouva que rancoeur et mélancolie au mieux une indifférence accompagnée de reproches pour son manque d'attention. Tu pourrais me dire que je suis belle, me faire un compliment pour ma nouvelle coiffure mais tu ne dis rien. Cohabitons mon cher dans la sagesse d'une résignation bien comprise. Le compagnon malmené usé par l'afflux des rejets profita d'une distraction du fermier et s'évada d'une prison qui avait perdu ses dorures. Il s'enfuit sur des sentiers de ronces pour s'enfoncer dans les terres de l'oubli et de la solitude. On ne le revit jamais et l'absence de son braiment pour soutenir celui de sa compagne fit de ce chant un fado mal égrené. 

lundi 7 mars 2016

Sois la bienvenue.



Il fait nuit. Trop de silence autour de son lit. Il branche sa musique. Il est seul avec la voix du chant qui scande dans sa tête quelques notes auxquelles les mots s'accrochent. Il rêve de corps, de chaleur, d'être un plus une. Il vibre dans le cri du slam. Il entend : vivre avec dans le mot la force d'une conviction.
Mais il se résigne.
- Vivre à l'heure où l'on pèse le bon contre le médiocre, le bonheur au crédit et son contraire en débit. 

Ce que dit le slam

- Et si la balance penchait coté défi?

Il écoute et se demande ce qui existe pour lui dans la lumière frêle de sa liseuse et quelle vie s'y déploie. Un fauteuil son coussin, un bureau un clic-clac, quelques livres sur une étagère, et la nuit puis son silence.Tous attendent le baiser de la princesse pour applaudir. Rien ne vient ni de son intérieur ni de son proche extérieur.

Et la voix baignée de mélodie psalmodie :

-  Souris 
Sourire. J'aimerais

- J'aimerais, expression d'un souhait mais il n'y a pas de fée entre tes murs pour l’exaucer. Pas de fée, que des comptes à rendre, quand tout se défait. Alors cherche une autre issue dans ce qui suit le terme d'une vie. Cherche une lumière, une trouée de ciel dans le fond du tunnel . Espère.

- Je veux vivre à plein. Vivre et non vivoter, boire et non siroter. vivre mais pas en vain. Je voudrais...

- Voudrais dis-tu mais déjà tu capitules. A qui demandes tu la permission ? Tu es le vaincu, où est ton vainqueur ? Pas de renonciation. Cherche, sors de ton trou, jette tes écouteurs, écoute la musique dans l'air et le vent. Respire l'embrun, tend la joue au bonheur qui te gifle, fais sauter tes verrous.

- Son visage salue la vie. Elle vient juste de naître, s'en fait déjà une fête, elle rit.

- Elle te regarde, plante ses yeux neufs dans ton œil désabusé. Elle est confiante, elle attend dévore. Tant d'appétit dans une jeune vie. Tu la vois tu la questionnes tu lui parles d'une voix qui joue sur le ton de la légèreté, elle te prend au pied de l'être, tu dois te remplir des accents de la gaieté, surjouer le bonheur, protéger sa vigueur …

- Dedans je souffre, dedans je doute, dedans je hais ma bouche qui se fend quand de mon for intérieur je le défends. Dedans à l'envers du dehors de l'autre coté du décor, sous le masque du clown ma tristesse face à elle qui ne joue pas une fausse liesse. Elle rit dans nos bras, entre dans notre ronde pas très ronde autour de ce nouveau monde . Elle, existe de nos mains, à peine blottie déjà rebondit, suit la courbure de son temps. Elle. Que pense-t-elle. Que penser d'elle. Que penser pour elle.

-Trembler parce que demain n'a pas la couleur d'un rire ? Elle, elle par qui tu accroches la lumière, devient corps constitué, histoire qui va se construire à plusieurs voix.

jeudi 11 février 2016

Fraternité



Il est là dans son état d'homme. Belle, elle donne et lui reçoit, elle bonne et lui mendiant, dans son image l'amour et lui dans son reflet le manque, cruel dénuement de la main qui frissonne et compassion gracieuse dans le mouvement du bras, son prolongement dans le regard, dans la naissance d'un sourire de haut en bas, de celle qui marche vers celui qui est assis et qui lève les yeux vers le bras, le regard puis le sourire. Il prend la compassion et son expression, dit merci de sa bouche qui s'étire, elle prend ses yeux qui brillent d'un surplus d'humidité, elle prend le symbole des lèvres, elle prend le désarroi, l'inclination légère de sa tête, le soulagement passager frère de son geste.
Mimétisme. Cosmologie profonde où le miroir répond au miroir et de leur reflet réciproque naît la reconnaissance. J'existe voit-il, je suis homme voit-elle. Un éclair d'humanité dans l'évanescence de l'instant. Une éternité si le lien s'accomplit dans l'authenticité du sentiment.

lundi 8 février 2016

Poésie

Poésie

Une voix dans un téléphone ? Non un souffle profond, quelque chose comme une présence, la mémoire d'un outre temps, une pensée qui s'infiltre, un mouvement ample au creux de l'oreille, une respiration des ombres avec des mots à modeler, simplement la brise d'une vie à renouveler.

Une voix dans un téléphone ? Non un pont entre des mondes, un passage par où se rejoignent le père et son fils, l'espoir d'une réconciliation nouvelle, la foi presque religieuse née d'une compréhension mutuelle.

Un vœu ou une promesse ? Non sûrement une utopie...


vendredi 5 février 2016

"La foule des différences se presse"




Dans le cadre des Vases communicants 2016, j'ai le plaisir d'accueillir un texte d' Alice Scaliger,  le texte que j'ai moi même écrit figure sur les carnets d'Alice. C'est le principe des Vases communicants initialisé par François Bon. On écrit chez son hôte et réciproquement.

Nous avons choisi comme thème un logogramme de Christian DotremontC'est le premier en dessous : le cri cru
 




Voici maintenant le texte d'Alice Scaliger. Bonne lecture.

Le cri cru crée un labyrinthe. On s'y perd facilement. Cuit, recuit, mijoté, le cri se sert plus facilement : on peut le mettre dans une assiette, poser des couverts, plier une serviette dans un verre propre; bref, le cri cuit est plus facile à faire digérer à son entourage. On explique; on civilise. Cri cru : mouvement de rage. Je n'ai pas été en colère depuis décembre. Je n'ai pas envie de me fâcher, en ce moment. Il y a peu de brusquerie en moi. J'ai beau aller à la pêche des colères intérieures, je n'en ai pas. Je ne peux pas inventer une fausse colère, une humeur qui n'existe pas. Il coule de la douceur, presque de la mollesse, et un goût pour la contemplation, dans mes veines. C'est une soupe à la betterave additionnée de crème fraîche.

C'est pourquoi je lis Aristote.
Tous les hommes désirent naturellement savoir ; ce qui le montre, c'est le plaisir causé par les sensations, car, en dehors même de leur utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes, et, plus que toutes les autres, les sensations visuelles. En effet, non seulement pour agir, mais même lorsque nous ne nous proposons aucune action, nous préférons, pour ainsi dire, la vue à tout le reste. La cause en est que la vue est, de tous nos sens, celui qui nous fait acquérir le plus de connaissances et nous découvre une foule de différences. Aristote, Métaphysique, A, 980a, Trad. Tricot, Ed. Vrin. Et je prends plaisir, le rose de la betterave en moi, à lire, et à savourer Aristote. C'est un légume-racine. Je me sens légitime dans ma contemplation. Cri-cru. Bibliothèque des représentations. Arbre des idées, qui classe et repose. Goût du regard.
La foule des différences se presse. Elle prend le tramway. Les gens sont aussi différents que les fruits et les légumes. Ils ont toutes les couleurs, des formes étranges, se meuvent comme des nuages. La plupart sont cuits. Et puis il y a un petit bonhomme que je regarde (comment son cri n'attirerait-il pas l'attention?), hurlant, trop chaud dans sa combinaison trop grande, tout rouge, cassant les oreilles de toute la rame, pas encore civilisé. C'est la betterave initiale. On reprend tout à zéro. Cri-cru.


jeudi 4 février 2016

Attendre

Anja Klauss
La mer chante sa rengaine que la plage boit de tous ses grains de sable. Il fait encore noir, il fait encore sans bruit, juste le crépitement irrégulier d'un clavier. Attendre, attendre un réveil, son réveil dans une pièce vide d'elle, entre des murs et des meubles où elle n'est pas encore là. C'est l'heure immobile. Les corps sont encore en sommeil mais il ne manque rien, tout est à sa place, il faut simplement qu'elle se réveille.

Je suis là posé sur un fauteuil l'esprit verrouillé sur elle, l'oreille tendue surveille l'étage, le bol aussi et la tranche de pain grillé et le café qui retiendra son arôme jusqu'au moment où… et la lumière à peine visible de l'extérieur qui guide la maison-bateau dans le noir d'une fin de nuit.

Rien ne respire librement. Il manque une voix qui sonne comme un éclat de soleil, il manque une parole banale comme bonjour mon … je n'ose espérer le mot qui devrait venir après ce mon…

Il viendra la danse des mots, la radio et ses infos, il viendra ses bruits de pas, il viendra la lumière, la vraie celle d'un matin déjà haut placé dans son ciel. Le soleil, il me faut mon soleil...il faut couper cet arbre qui me gâche le réveil d'hiver. Puis les bruits d'eau, puis le silence puis l'arôme du petit déjeuner jusque dans sa chambre et tous les deux sur le lit à goûter ce matin et son café, ses tartines beurrées.

La maison s'étirera, s'ouvrira au monde, secouera son couchage, la maison et sa chanson de petite cuillère qui tinte sur la paroi de la tasse avec le chant du café qu'on verse, le pain qui craque dans la bouche, le beurre qui fond avec la confiture dessus. Le moteur s'emballe, le jour s'affaire, oublie le matin, la nuit le sommeil, l'attente. Les affaires courantes courent, on ne les rattrapera pas toutes, les rires se mêlent aux déceptions, les disputes à la tendresse.

Le soir. Déjà ? Son feu de cheminée à la braise rouge, ses flammes trop à l'étroit dans leur prison de fonte et d'acier puis la chaleur, la fatigue, les corps en demi veille avachis sur le canapé, la télé et son blabla du soir et la nuit et les yeux qui se ferment, les mains qui se serrent, les corps qui s'enlacent.

Une part de lune, une mer et sa rengaine, une maison clôt ses paupières… Il fait nuit, il fait sans bruit...