lundi 30 septembre 2013

Faut pas dire!

Deux petits vieux sont assis dans le silence confortable de leur appartement. Fauteuil et canapé verts façon antiquaire. Avec des pieds de bois tournés à l’espagnole. Tapisserie fleurie. Télé pieusement posée sur son autel. Dans l’air l’odeur d’hier. Volets entrouverts (on ne sait jamais avec le soleil de l’été. Où a-t-il traîné ses rayons ? Dans quel pays, quelle religion ? Mieux vaut prendre ses précautions!). Chaleur qui invite à la sieste. Justement. Elle, sommeille consciencieusement. Lui, s’acharne sur de pauvres mots croisés.
Rien que du très habituel.
Quelques raclements de gorge. Une respiration entrecoupée de râles. Elle rêve visiblement, marmonne quelques mots qui ressemblent à un dialogue.
Puis. Blop ! Une phrase nette et claire  éclate dans la quiétude estivale.

dimanche 29 septembre 2013

François Cheng

2criture
Ecriture

Le choix des mots



C’est décidé.

Oui j’arrête le poème !

Le vers est dans le fruit !

Je serai donc jardi-niais.


Mieux


Je ferai dans le vers à soi !

Et si cela ne suffit pas,

je me mettrai au verre en  bordelais !





Les poèmes ne se font pas à l’eau claire !

Ecritures

Les années ont tagué leur texte  sur ma peau et je porte au front  le sillon d’un socle qui n’a rien d’agraire : une calligraphie fine et profonde trempée à l’encre des rires et des larmes. L’agri- sculpteur  y cultive une histoire singulière mais bien ordinaire pourtant, avec ses fruits doux- amers : des rêves d’hier plantés dans la peau.

 Visiteur-  tu peux bien involontairement y lire les accidents et les silences, les renoncements, les échecs. Mais  si tu sais te perdre entre ces lignes de plus en plus serrées, tu découvriras peut être la chanson d’une source fraîche et discrète, gambadant dans la voix d’un enfant. Au zénith un œil de feu dans un désert de bleu. Puis le goût du corps aimé drapé de l’ombre étroite du cyprès, à la cime lancée vers le haut comme un cri prolongé vers la vie.

 Là, les racines plongent  dans la froide obscurité des tombes. Le sombre gagne sur la lumière, et l’histoire se fait menaçant orage tournoyant au-dessus de sa vallée. Y gronde le mystère d’une destinée gravée en écritures anciennes vierges de tout déchiffrement. Peut-être le lecteur d’âme y trouvera-t- il sa pierre de rosette  et  donnera  à cette terre de noirceur,  un ciel plus flatteur.

Ma peau est une page d’écriture dont les rides sont le langage et ma vie la grammaire.