mercredi 31 décembre 2014

Délire de nouvel an



Allez c'est parti le toin toin tagada tsoin tsoin de l'an qui vient avec cotillons et trompettes. On joue on crie, on rit de tout, on rit de rien. Allez c'est parti de la valse à l'accordéon en passant par la zoum-baba, la boum badaboum et la fin des séries.
Je danse le 31 décembre ; le 31 des cendres encore chaudes de l'an moribond.
Mais moi je veux descendre rester là encore un petit peu plus. M'en fous des cotillons m'en fous du réveillon m'en fous de la valse et de l'accordéon de la zoumba et de ses flonflons, je veux descendre, m'évader, mes valises où sont mes valises, partir, quitter le train avant la nouvelle année.
Coincer le temps dans son sablier.
Viens viens on va danser on va picoler on va faire la fèteu faites faites faiteu, la fête à l'an qui vient, la fête à l'année dans sa dernière ligne droite, tout prés de l'arrivée tout prés, et prêts pour une nouvelle année. Allez fuyons, courage allons, dansons et chantons y aura du champagne et du disco à flots...
Moi je voudrais voir la mer, je voudrais voir le ciel, je voudrais voir le bonheur accroché à ce nouvel an qui se pointe sans que je le lui ai demandé, celui qu'on attend tous, et moi j'ai pas envie de le saluer.
Coincer le sablier arrêter la fuite des grains de sable arrêter le temps; au voleur, au voleur de grains de sable, arrêtez-le, au voleur d'années, au voleur de jeunesse, au voleur de bonheur. Arrêtez-le arrêtez le temps.
Allez chantons, buvons pour le dernier round, juste avant le KO et puis achevons l'an à coups de champagne et de foie gras et puis ingrats, crions vive le nouvel an, joyeuses fêtes -je vous en prie, faites faites.
Smack sur une joue et smack sur l'autre et je bise-au-phone, sms à tire larigot larirette et je serpentine et je souffle dans la trompette et je te fais coin coin dans l'oreille.
Faut bien rire ! On l'accueille en délire la nouvelle année, à coups de flonflons ou de slam de boum boum ou d'accordéon sur un air de Samba, de Zoumbaoumba, sur un air de fête tout simplement.
Ça jazze dans ma tête ça bulle dans mon verre, je gaze gaze pour un nouvel an. On se gausse, on se gausse ma chérie, je te rebise sur les deux joues, deux, trois ou quatre bisous selon le temps, le lieu, le degré d'alcool dans le sang, bisou bisou.
Mama, mama diou, mama mama griot, zouk Africa, Samba Brasilia, Zoumbabaoumba, Ô cadence, yo qu'ça danse et l'on se donne le bras et l'on farandole en chœur car c'est l'heure, toute neuve, d'une année, à peine entamée, toute lisse encore, pleine d'ivresse et de promesses!


A la bonne heure, à chacun sa bonne heure.

Bonne année !

Texte, © Joël Carayon

dimanche 21 décembre 2014

Il Etait Une Foi

Je voudrais une image qui ne soit pas ternie par la dérive d'une foi qui dévaste au nom de son dieu, je voudrais une image qui ne ressemble pas à la galerie d'un supermarché rempli de lumières et de guirlandes avec des Jingles bells, des Once Upon a Time qui sonnent le rappel du mouton. 

Je voudrais une image simplement vêtue d'elle même, souriante comme la vie, sans préjugés de couleurs, je la voudrais confiante et déterminée, attentive et généreuse. Je la voudrais ronde pour qu'on se retrouve tous au bout du chemin, ronde parce que la ronde des enfants, bleue parce que le ciel profondément… humaine si cela a encore un sens.

Texte et photo © Joël Carayon 

Les yeux pleins du monde

Enfance. L’océan m’apprend ses merveilles bleues dans les joies de l'été. La nuit j'écoute sa respiration, gigantesque et lointaine. On campe dans les Landes. Ça sent l'iode mélangée à la résine de pin, dans les arbres la musique du vent apaisante et mélodieuse. Nous sommes à Hossegor pour les vacances. Au dessus de nos têtes, un vrombissement de moteurs. Deux avions à hélices passent au-dessus du camping. Ils sont beaux ! 
 
13 ans, même lieu même période. l’adolescent s'éveille. Finis les jeux de gamins ! Bernard, mon âge, enfant de Pau m'accompagne dans mes pérégrinations juvéniles. Comment était-il déjà ? Quelques bribes d'images me reviennent. Marrant que je me souvienne encore de lui. Son allure : sec, de la souplesse dans la démarche, de la vivacité autant qu'il m'en souvienne, de l'espièglerie dans la voix, des cheveux noirs, frisés, bien plus déluré que moi qui sors de ma campagne tarnaise, de mes courses à bicyclette aux gamelles mémorables -et saignantes quelques fois. Il connaît la vie citadine et puis il est ici chez lui. Une amitié de vacances faite pour disparaître avec elles. Je ne le reverrai jamais...
Aujourd'hui, l'air est plus léger que d'habitude et nos yeux remplis d'impatience. Nos voix gambadent, sautent de rires en rires, dans nos têtes un parfum de liberté, dans nos gestes de l'ivresse. Et pour cause, ce soir est un grand soir, le soir d'une grande première ! Les parents ont dit oui pour une sortie cinéma à deux, c'est à dire sans eux ! Nous deux, la ville, les vacances et la douceur nocturne. Un appel résonne, une poussée de vie rageusement gaie, quelque chose joue sa mélodie dans nos corps qui muent. La séance est à 20h30 tout au plus et pour nous ce sera la permission de minuit, vous vous rendez compte ! Les lumières de la nuit, les jeunes en bande dans les rue de la station balnéaire, par couple, main dans la main, les éclats de rires. Les terrasses de café pleines à craquer. 
Nous marchons côte à côte à grandes enjambées. Je bois le trottoir, la vie estivale, la chaleur sur le goudron. Je bois le hâle des filles- tiens c'est nouveau !
Ça respire le neuf justement. Une indéfinissable douceur mêlée d'une appétit pour ces choses d'après l'enfance. Soif de tout. Des saveurs de la jeunesse qui s'ouvre aujourd'hui même. D'un monde regardé, connu certes mais pas encore goûté. Un peu comme une glace juste avant d'y passer la langue autour. Un peu comme la première bière amère dans son ambre dorée. Comme la peau de cette fillette hier innocemment touchée et qu'aujourd'hui j'évite avec dans les yeux, dans l'esprit une autre image plus féminine, plus sensuelle. L'éveil des sens. Le désir méconnaissable, bien caché dans les replis de la mémoire, avec ses gestes gauches, le silence des voix, avec dans la tête un vacarme assourdissant ! Un cœur qui martèle les tempes ! Ça crie, ça hurle là dedans. Et l'on n'entend rien.
Nous allons voir un vieux film César et Marius dans un cinéma sous les étoiles. Voilà le guichet.Bernard : deux tickets s'il vous plaît. Désolé il n'y a plus de places, c'est complet. Nos regards se croisent avec dedans un océan de déception à marée haute : l'opération ciné-première tombe à l'eau. A l'eau ? Non ! Bernard a une idée. La salle de plein air borde la rivière et seule une balustrade de deux mètres environ nous masque l'écran. Viens, me dit-il on va voir le film à l’œil ! A l’œil sous les étoiles ! Mes yeux de petit campagnard n'en croient pas leurs oreilles ! Je suis.
Tout est si nouveau et si inattendu ce soir - et je ne suis pas au bout de mes surprises ! Nous voilà petits délinquants en herbe rôdant autour de la barrière en quête d'un moyen de nous hisser au-dessus. La voix de Marius résonne dans l'air de l'été, le film a commencé. Entre les bois de la dite balustrade il y a des jours . Mais hélas, nous ne sommes pas seuls à tenter notre chance. Ça grouille de resquilleurs de tous âges ici ! Pas de trous libres où poser nos yeux. Mais là devant, aubaine ! un arbre étend ses magnifiques branches par de dessus l'horrible barrière ! Par bonheur elles sont libres ! Vous devinez la suite. Devant nous la salle remplie de ces idiots de spectateurs payants ! Ah la saveur de ces images volées ! Noirs et blancs, Marius face à César, Marius et l'appel de la mer. Dans le port, la sirène grave d'un bateau en partance. Fanny, l'amour, la colère d'un père, le départ du fils à la dérobée. Instant tragique. Ce soir on se comprend Marius. Quelque chose nous rapproche. L'appel ? Je le sens qui bat. Mon large à moi est plutôt vague. Vague dans l'âme.
Instant doublement tragique. Des voix autoritaires en bas de notre nid de pie, surmontées de deux képis bleus-lugubres. Vous deux, descendez... Vos papiers. Ton sec, mines renfrognées. Nos papiers, mes papiers? J'ai pas de papier ! Suivez nous. Nous suivons tout penauds. Surpris mais pas effarouchés, inquiets cependant. C'est ma première arrestation pour vol d'images, port de rêveries illicite. Au poste. Vos noms, âges, adresses. Indifférence du policier qui nous regarde à peine, c'est un peu vexant au fond ce peu de considération. On nous relâche. Demain nous devrons revenir avec nos pères – le pater familias seul habilité à parlementer avec les Autorités.
Retour au camping sans un mot. Juste le poids de nos réflexions muettes sur nos jambes maigres. Juste la mine basse. L'air de fête s'en est allé sur la pointe des pieds. Dans la pénombre des allées, nous marchons au milieu des tentes, des ombres, des rires sous les lampes à gaz. Malgré tout, la brise est légère, la chaleur généreusement conciliante. Le cœur se console, l'été pénètre discrètement le fil de nos pensées.
Arrivée à nos foyers de toile respectifs. Questions. Étonnements. Explications. Rires des pères et des mères. Soulagement des enfants. Demain nous irons ensembles présenter notre carte d'identité. La nuit baissent nos paupières sur des rêves où l'histoire se tricote avec le sourire aux lèvres et là bas tout au fond, les voix, les sourires, les chevelures brunes et les regards en coin. C'est l'Aube.

Texte, © Joël Carayon

vendredi 19 décembre 2014

Noël

Ils sont venus ils sont tous là, dès qu'ils ont su qu'il serait là. Ils sont venus ils sont tous là, dans ce trou à roi .Y a mêm' Gaspard et Balthazar le fils maudit avec des cadeaux pleins les bras et puis Melchior et tout son or.

Ils sont venus ils sont tous là, tous pour lui et lui pour tous. Lui qui nous a bien eu quand il a dit que la paix soit avec nous. Ça fait deux mille ans déjà et la paix on l'attend toujours. On lui pardonne, ce n'était qu'un enfant et même fils de Dieu, un enfant ça fait des rêve fous  et puis il a payé de sa peau sa trêve de Noël.

Aujourd'hui on se souvient le temps d'un apéro, d'une messe de minuit. On s'embrasse on s'enlace on s'en lave les mains.

Au nom du Père, du Fils et de la Mère qu'on oublie toujours et qu'on laisse au second plan pour une histoire de Saint Esprit,

Champagne !
















Texte, © Joël Carayon

mardi 16 décembre 2014

mélodie

photosurrealiste Le Violon d'Ingres, 1924, Man Ray


Tu me dis plaintif ce que le piano chante
des mots sourds qui ne se prononcent pas
une mélodie qui ne parle pas mais qui se joue

se joue de moi qui ne comprends pas.

Tu me dis plaintif ce que le piano chante
un peu de fard qui coule sur ta joue.
Ce que pleure un piano s'effleure touche à touche
ce que dit un violon se frotte sur ses cordes,

des soupirs qui ne sont pas de toi
D'un corps qui te réchauffera,
vivant violon vibrant sur ton épaule à se rompre
sa mélodie de bois et de boyau.


lundi 15 décembre 2014

Ma nuit d'une encre bleue

Ma nuit d'une encre bleue déploie ses étoiles
qu'un soleil lointain réchauffe.
Ailleurs à l'autre bout de la terre
un jour s'allume qui borde ma nuit.
Des yeux s'ouvrent là où les miens se ferment
brillants des milles feux d'un rêve
qui s'achève, d'un qui se lève.
Et l'enfant s'émerveille de la rondeur des astres,
d'une lune qui se joue d'un soleil,
d'un jour qui vient après la nuit. 
 

























Texte et photo © Joël Carayon

Une simple pression suffit.



Je suis faite d'un ventre pour recevoir et donner la vie. Entre mes hanches et ma taille la matrice des hommes aujourd'hui et demain encore. Je suis fière. En moi la trace de l'univers et sa vibration plus forte que les battements de mon cœur, une connexion avec un tout que je ne connais pas mais j'en suis sûre la plénitude accompagne ma gestation. Je sens le murmure de la vie qui grandit.

Dans ma main aujourd'hui et contre mon épaule à fleur de joue – noire ou kaki pour l'homme, rose pour moi, l'arme de combat. J'ai peur je tremble, mon index se glisse sur la détente se fige je ne peux pas. Mais j'ai envie. Pourquoi. J'ai la vie dans mon ventre en puissance et la puissance de la mort contre mon épaule contre ma joue, contre mon ventre contre la vie la vie contre la mort doucement câline, mais j'ai envie et la vie me tire vers la mort mais je ne tire pas, mon ventre se crispe mon doigt se fige, je ne peux pas.

Ma joue à fleur de la crosse ma joue contre la joue de mon bébé. Je lui donnerai mon sein je lui donnerai la vie je le nourrirai je le chérirai il grandira contre ma chair, je donnerai. J'ai peur je tremble mon doigt sur la détente mon doigt sur sa lèvre  mon regard débordant d'amour mes yeux dans ses yeux, le silence des mots mon œil dans le viseur la balle dans le canon le doigt sur la détente la mort au bout. Pour l'instant je vise, pour l'instant je tire pour le fun pour l'ivresse du jeu pour la palpitation du cœur, la mort rôde et je m'habitue au bruit sec que j'imagine sans l'avoir encore jamais ressenti .

Mon index sur la détente, la crosse logée au creux de l'épaule. La détente. Une simple pression. Oublier une fraction de fraction de seconde, débrancher, faire taire la mère ; une simple pression, il n'y aura pas de résistance, la gâchette est douce obéissante , elle frémit sous mon index, se love dans son creux, se blottit comme un enfant qui cherche la chaleur de la main de sa mère, il n'y aura pas de résistance, pas d'aspérité où l'esprit puisse s'écorcher, le doigt glisse sur le métal, le coup, le claquement sec, la cible de carton, l'odeur de poudre, la chaleur acide du métal Newtown. Vingt enfants de CP gisant.

Je donne la vie, je donne mon sang je donne mon ventre, je donne ma chair, je donne mon amour je donne mon temps je donne mon sein je donne ma chaleur je donne mon cœur, je donne la mort le bruit sec la douceur de la détente, la délicatesse du recul vertige de la puissance, je donne la mort je donne la vie je donne.

Mon premier tir, mon premier amour mon premier baiser, mon premier bébé, ma première fois, toute première fois, mon premier tir ; je pourrai donner la mort aussi.

La loi des armes. ARTE











Texte, © Joël Carayon

dimanche 14 décembre 2014

Cigale et fourmi

Elle me parlait sous je lui répondais en vers.
Elle me parlait pierres, Pinel, Duflot,
je lui répondais Jacques, Boris ou Queneau.
Elle me parlait fourmi je lui parlais cigale.

Elle avait peur que je m'envole et me serrait fort contre ses pierres
mais la poésie donne des ailes
et nous planions entre deux airs sur notre montgolfière.
et nous jetions les pierres et les vers par dessus la nacelle
parce que la vue d'en haut était bien plus belle, le soleil bien plus rond.

Et puis on éteignit la lumière
et le reste n'est pas dit dans la chanson.















Texte, © Joël Carayon
Photo je sais plus allez voir sur Flickr mot clé montgolfière

vendredi 12 décembre 2014

po-être

Le soleil dénonce l'âpreté des choses, l'ombre en adoucit les contours. Je veux être à l'aube ou au crépuscule un pied au soleil et l'autre sous la lune, rôder à la frontière, marcher à la lisière, à la jointure des mondes, sur le fil du jour et de sa nuit. Raisonnablement fou.

http://www.oxygene-montagne.ch/images/grandes/oxygene_montagne161_01.jpg













Texte, © Joël Carayon

jeudi 11 décembre 2014

Ombre et lumière

Le soleil et ses ombres légères
tracent un paysage tranquille
qui lentement se déplace
poussé par l'heure
et le mouvement de la terre.

Je bois à sa lumière et sa chaleur
au bourdonnement familier
où se tisse la soie d'une chrysalide.
Un papillon naîtra.
Il vivra ballotté au vent de 
 l'été.















Texte, © Joël Carayon





samedi 6 décembre 2014

Mama Rose

Un petit clin d’œil à Archie Shepp.

Té lam tété lom, té lam tété lom
Un chant dans la rumeur.
Chœur d’azur entouré
des ombres du passé.
Mama Rose, mama


Té lam tété lom, télam tétélom
Ta voix sur un silence
appelle à la délivrance
Mama Rose, mama


Un chant
Cantique de toutes les révoltes
Télam tété lom
Cri de mère
Brise larmes
Ou doux comme un baiser
Mama’s Road, mama


Mains ouvertes
mains offertes
aimantes et rudes.
Mama Rose, mama.

 


Je suis là

L'enfant questionnera.
Le père répondra 
par sa main offerte
et la vigueur de son âme.


L'enfant lui sourira.

Calme il regardera
son jour se lever
dans les yeux qui le protègent,
l'aube dans le soleil à son zénith,
le soleil dans son crépuscule.

Et l'homme tristement dira
au père qui s'en va
-je suis là.

vendredi 5 décembre 2014

La trêve des confiseurs

La trêve des confiseurs.
« Aux approches de Noël, par une sorte d'accord entre les parlementaires, on ne soulève pas de questions irritantes, qui, troublant l'esprit public, nuiraient aux affaires. Et même, afin de mieux vivre en paix, on se sépare, on se donne des vacances. Donc, point d'aigres propos et pendant cette accalmie, les marchands de sucreries, de gâteaux, de friandises, font, tout doucement, leur petit commerce. Les confiseurs jubilent, profitant de la suspension des hostilités à la Chambre, et cette tranquillité dont ils bénéficient s'est appelée la trêve des confiseurs » — T. Pavot, L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, questions et réponses, communications diverses à l'usage de tous, littérateurs et gens du monde, artistes, bibliophiles, archéologues, généalogistes, etc. Volume 38, 20 septembre 1898. (article Wikipedia.)

Je cherche au juste quoi ou plutôt je ne cherche plus quoi ? Les lumières de la fête, les cadeaux qui vont avec. Le parcours classique et son spectacle d'amertume. Surtout pas de vagues, c'est la trêve des confiseurs. Noël se passe et l'an nouveau dans la foulée. La ville et ses lumières, le monde dans ses rues, les costumes de fête qu'on ne remettra plus et les paroles qui fusent dans l'air. Noël et son reflet sur le miroir trempé des places.

Petite voix de l'intérieur :
-Voyons c'est la fête, réjouis toi, même la bande de SDF agglutinée avec ses chiens, entre dans l'avent d'une voix plus joyeuse.
Grosse voix : 
-La bouteille de vin ou de bière en avant, s'anéantir pour ne pas l'être.
Petite voix :
-Ne sois pas rabat-joie, mon vieux. Regarde autour de toi, les fées qui tanguent sous ce ciel bleuté de gris, les vagues de la mer dans la ville. La lumière des LED ? Pointillisme, impressionnisme. Le marché de Noël et ses petits chalets en sapin doré? La maison des lutins. L'odeur du vin chaud. Les gens qui rient.
Grosse voix :
-Comédie du bonheur, « Comedia de l'Arte ». Polichinelle barbu blanc avec une hotte devant et une autre derrière. On mime le bonheur comme dans nos séries chéries.
Ne soyons pas tristes, profitons des prix et des promo. Des rites et des jouets ! Une fois l'an voyons ceux que nous ne reverrons qu'à la prochaine « nouvelle année ».
Allez champagne, musique, guitare si vous voulez. Puisqu'il faut s'amuser.Aujourd'hui pas de retenue, par la magie de la fête je transforme mes râleries, mon air bougon, ma phrase laconique en bonhomme jovial au rire sonore, dispensateur d'un bonheur bien pensant.
Je pense trente ans, je pense anniversaire. Joyeux anniversaire. J'entends sa joie. Je sens son baiser de Noël, mon cadeau ! 
 
Je pense confiseur. 
Photo Anne Arnould















Texte, © Joël Carayon 

jeudi 4 décembre 2014

Crépuscule

je navigue vers toi, les voiles gonflées d’un ultime espoir
rêve secrètement lové aux confins de l’esprit
Avec au centre du regard cette lumière intérieure,
au fond de la gorge ce cri retenu d’une symphonie sans orchestre.


Et la route se referme sur moi.


Quelles ailes pour s’arracher d’un monde à l’agonie?
Quels enthousiasmes pour de nouveaux marins.
Quelle sagesse pour l’enfant à naitre ?


Je tends mes mains polies par l’âge vers toi
ma lumière si vive !
Avec aux doigts, l’amour que je te porte,
les mots que je ne saurai jamais dire,
les larmes que je verserai
lorsque le temps sera venu.
Au doigt aussi,
l’offrande d’une mélodie enfin composée. 




















Texte, © Joël Carayon 

Je parle tout seul

Je parle tout seul.



Quand on me surprenait dans ce dialogue avec moi même, étrange pour le passant dont l'oreille traîne dans les parages, j'avais honte et je rentrais ma voix dans mes pensées. Maintenant je me suis aperçu des avantages de l'avancée dans l'âge, je parle à haute voix, pour elle et pour moi-même également, tout seul ou pas. Je « répapi » comme dirait Mô-mon-amie-celle-que-j'aime-et-qui-me-sourit, ce qui signifie : « il radote, c'est l'âge ». Mes proches ironisent, me taquinent avec plus ou moins d'affection, ça dépend de leur âge.



Moi je continue à parler tout seul, de plus en plus d'ailleurs et sans aucune retenue maintenant. Le nombre important des années que j'accumule m'y autorise. J'ai des excuses. Je parle tout seul et j'aime entendre ma voix résonner en mon fort intérieur, lorsqu'elle remplit ma gorge de ses sons jusqu'en haut de mes poumons. Je suis en vie. Je pleure, je ris, je ricane sur mes cordes vocales. Je vibre en contrebas de cette petite clochette suspendue au milieu du palais qui doit s'agiter violemment quand je crie ou que je suis en colère et qu'on appelle d'un joli nom je trouve, luette, petite grappe suspendue que je rince abondamment du jus d'un raisin fermenté appelé vin (rouge de préférence et du cru local bien entendu).

Je disais, j'aime m'entendre parler tout seul au fond de moi-même d'une voix qui remplit discrètement l'air de la pièce mais vit peureusement cachée dans cette caisse de chair que je lui loue bien volontiers, ma « cage thoracique ». Cage ne me plaît pas. Elle n'est pas prisonnière du tout et s'envole quand elle le veut, libre comme l'air que je respire, et qui l'anime aussi il faut bien le dire.

Nous cohabitons en bonne harmonie. Elle vit en moi, se nourrit de moi. Ma voix, ma ? Je ne sais pas. Suis-je son propriétaire ? Si je pense « cette voix », si je lui laisse faire sa vie, elle s'attache. Que pourrait-elle faire sans moi, sa corporéité. Comment pourrait-elle s'épanouir. Elle m'appartient comme je lui appartiens. Deux en un corps. Ma voix claire ou rauque avec ou sans la rudesse du froid, la rouille d'hiver, le passage d'alcool, de colère, de l'amour ou de l'âge sur ses cordes... 


Suite


Elle n 'a pas toujours bien porté mes paroles. Jeune voix coincée entre l'enfant et l'adulte, hésitante dans ses intonations. Entre exclamations enthousiastes et interrogations inquiètes il fallait qu'elle se place. Le pouvait-elle. Moment délicat où la fenêtre est étroite et se faire entendre si difficile. 

Deux mondes se séparent, l'appel irrésistible des sons d'une ère nouvelle, ses mots et la musique d'un rock tout jeune qui se cherchent avec elle.. Ouverture sur un avenir radieux et déjà les blessures qui l'éraillent. Cohabitation incertaine. Voix du jeune âge, voix de lycée. Dans son logement, mon larynx, déjà les entailles d'un passé que le présent ravive. 

Premiers voyages en terre d'adolescence où elle et moi nous nous sommes mêlés à d'autres voix contemporaines. Premières fêtes aussi belles qu'un jour de Noël. Musique d'un accordéon déjà usé ignorant encore qu'il allait en mourir. 

Les premières intonations féminines et leur corps qui nous attirent, première danse, première taille que l'on serre, le parfum, la chevelure épaisse où l'on se niche le temps d'une chanson. 

Gestes maladroits et ma voix n'est pas là pour porter les mots qu'il faut, je ne les connais pas. Qui me les aurait appris ? Peu importe. Premier, premier premier un seul mot pour tout dire. 

Musique et filles, le rock, la pop, les filles, toujours les filles, les études un peu. Ma voix s'est affirmée doucement, a trouvé son timbre et le corps qui l'abrite se stabilise. 

Un jour elle a parlé, et nous avons accosté la voix et le corps de femme. Paroles terribles, mots qui marquent au fer rouge, ma voix brûle crie en sa demeure mais mon corps ne portera pas cette parole venue de ses entrailles...
 

mercredi 3 décembre 2014

Mon globe de cristal

Univers quel trou noir dans ton globe en cristal.
J'y vois la guerre mais pas la paix, trop fade pour intéresser.
J'y vois monnaie, argent sacré, démesure en toute chose.

Et je vois amour peut-être. Mais s'il vous plaît pas de celui qui dégouline sous les yeux les lèvres habillées d'un rose sirupeux, sucré, alambiqué jusqu'à l’écœurement.

Univers, universel comme la beauté du monde s'il n'y avait pas les hommes pour tout gâcher.
Universel comme la mer parce que l'homme n'y est pour rien, comme le soleil qui n'est pas à nous. Et tant mieux.

Universelle la bêtise des hommes qui regarde la beauté du monde et crie : « elle est à moi, j'en fais ce que je veux ».

Dans mon globe, je vois les pleurs...ça marche bien, les pleurs, ça remplit la vie puis c'est si beau à regarder quand ça coule sous l’œil d'une jolie fille, juste pour la beauté des larmes.
Les larmes, les larmes d'un enfant donnent envie de s'insurger contre les parents ou contre l'univers justement, celui des hommes uniquement.

La bêtise, la cruauté, l'amour gnan gnan c'est énervant, ça agace, ça donne envie d'être grain de sable en engrenage, minuscule poussière qui griffe l’œil des imbéciles ou virus en numérique et bloquer toute les machines du monde, pour la beauté du geste, pour faire rire aux larmes l'enfant en pleurs de tout à l'heure. Ça soulagerait je pense de l'universelle indifférence..

Dans mon globe de cristal il y a aussi le silence sacré d'une aurore entre bleu de nuit et rouge du jour pas encore four. Le silence solennel de la main qui caresse le visage où l’œil se fond dans l’œil de la main qui caresse le visage, avec toute la gravité et la légèreté d'une promesse muette qui circule entre deux regards face à face sur ce globe de cristal.