lundi 28 décembre 2015

Séance de gym

Elle est arrivée dans le gymnase vêtue de noir assez pour les conventions, nue suffisamment pour appâter le mâle par quelques rondeurs à fleur d'un juste au corps très justement ajusté, bordé pour tirer des bords au plus prés du musc animal, animale équipée pour de folles équipées de soie et de feulements. Elle est arrivée plastique, lisse avec dans son sillage l'appel du corps à corps. Elle est souriante et convenue, avenante, consciente de l'impression qu'elle laisse dans la rétine et l'imagination de ceux qui font comme s'ils ne faisaient pas attention mais dilatent leur pupille jusqu'à l'enlacer, la déshabiller un peu plus que ce qu'elle est mais sans trop. On est entre gens du monde n'est ce pas et on sait se conduire. Elle sait se conduire, entre chiens et chats elle aiguise le regard, affûte le désir. Elle surfe sur son image et son entrée.
- Bonjour.
Elle parle aussi mais ça se gâte, elle rit aussi et ça se gâte, elle se laisse aller au sport qu'elle vient pratiquer et ça se gâte par des mots, des non mots et des silences aussi. Les yeux des quarantenaires ou des trentenaires s'attendrissent un peu, excusent surtout, protègent, assistent, soutiennent la fragile panthère. Mais il manque une note dans la symphonie, un accord majeur dans la rythmique, il y a un bémol à la clé dans une harmonique qui ne jazze pas complètement et les regards se ternissent un peu ou s'accrochent sélectivement à l'ondulation du body, la compression du haut de son corps dans le mouvement. Ceux là choisissent le sens purement animal, se disent ma foi... Elle,  continue, apparemment vierge de tout pressentiment, poursuit sa partition dans la danse des bras et des jambes, des sourires, des yeux en coin, des paupières que l'on baisse. Elle fait son choix discrètement mais sûrement, élimine conserve, se détourne contourne, effleure, affleure ses charmes à bon escient. Elle vit tout simplement.

samedi 26 décembre 2015

Numériquement votre

Entrer en machine comme dans les ordres, se laisser réinitialiser par ses petits doigts numériques, quitter l'humanité ordinaire des petites mesquineries, des petits gestes envieux, des minuscules vexations, des amours compliqués.

Se laisser happer peu à peu et disparaître de son corps d'hommes misérables.

Entrer dans le calcul démultiplié, le quantique des quantiques, habiter au rhizome de nos connections, croiser les images dans leur plasticité de un et de zéro, les surprendre dans la nudité de leur trame sexy.

Abandonner la nausée des hommes sans arrières pensées, rencontrer la cavalière blanche sur son cheval de ténèbres, puis chevaucher ensemble nos circuits violemment.

Vivre dans ton cœur d'ordinateur, s'allumer ou s'éteindre assujetti à son fil électrique....

Finalement ça ne vaut pas mieux que de vivre dans ma peau d'âne.

Ma peau d'homme, pardon pour les ânes.

jeudi 17 décembre 2015

Monde nouveau

Je sais une chose, j'écris pour le vent mais pas pour les gens. A chacun ses lecteurs les miens tournent autour de la rose, soufflent sur mes pages, ne lisent que la surface des mots qu'ils couchent dans leur haleine les jours de grande lecture.

Je brame à tous les printemps dans les clairières pas dans mes livres – je n'en ai pas publié ou juste quelques bouts de moi qui coulent de mes lèvres et se répandent sur la page, essaime sur ses nervures et dessinent des arabesques qui n'intéressent personne, je remplis des bouteilles de messages sans adresses et je les lance dans un océan où les vagues obéissent à des respirations mécaniques. Mes blogs y sont des plages sans sable et sur ma Face de book poussent des « j'aime » troqués contre mes « j'aime » sur d'autres plages tout aussi blogue que les miennes.

Un monde nouveau est né qui double ce monde de chair et de terre, rempli d'images et de mouvements. Je n'y ai pas ma place. Mes mots y sont des étrangers, ma voix ne retient plus que l'ombre du ridicule et l'on rit, au mieux on se tait, toujours on se demande quel est cet hurluberlu hurlant dans le silence de son encre des desseins qui n'intéressent personne .

Il y circule un sens, sens écrit sans lecteurs, alors il vaudrait mieux que je ferme ma gueule et que je me contente de marcher sur mes fils de terre entre ciel et mer au pays où tout se mêle, se mélange, les hommes et les anges, les poissons et les animaux, là où l'eau imprègne le sang des hommes, là où il pousse des écailles sur la peau, là où l'on vit immergé entre deux marées : marécages et mare nostrum, là où la terre s’effile et file en neurones filandreux conquérir cette salinité que le soleil révèle dans un blanc ou rien ne pousse que la mort. Silence radio sous soleil radieux et blanc insoutenable.

Pourtant j'ai des choses à vous dire des mots à articuler les uns aux les autres tous à brailler en chants cacophoniques, polyphoniques, à ordonner, discipliner parce qu'il a de l'allure mon orchestre parce que ce qu'il gueule vient du fond des tripes, vit dans la boue de repas indigestes, espoirs déçus, dégoût politique, rupture climatique, tristesse face au carnage de mes amis à plumes dont le vol m'émerveille, poissons qui ne brilleront plus que dans l'océan de ma mémoire, toi mon animal de poil et d'amour parti au pays des meutes, des aboiements nocturnes quand la lune ronde bouffe tout son ciel, toutes ces vies perdues, ces forêts qui ne me parlent plus, mes fils coupés et ma vie d'homme dont les prolongements m'inquiète parce que demain...

Demain cette enfant que j'ai faite et son enfant que je berce plongent leurs yeux dans les miens y posent leur confiance et moi je ne peux que baisser mon regard et murmurer dieu auquel je ne crois pas fais que le pire ne soit pas leur quotidien.

lundi 14 décembre 2015

Ne me dis pas


Ne me dis pas mon am... ne me dis pas je t'ai...chut me, ne me dis pas que ton cœur palp... pas que ton... pour moi...j'ai peur, c'est comme ça. Ne dis pas mon ché... ne me dis pas ri, chut ne dis pas mes, pas mes… yeux dans tes yeux, ne me dis pas sans toi ma... ne me dis pas… vie. C'est comme ça, ce monde est immonde. 

Ne me dis pas rose bonbon ne me dis pas mon an-je t'ai chut dans la… peau, ne dis pas, ne dis pas tu es ma...sans toi je... rien. C'est comme ça ce monde est démon, démonté. Ne me dis pas deux, ne me dis pas mains, ne me dis pas tout, ne dis pas jours ne me dis pas. 
C'est comme ça ce monde est sans lendemain et pourtant je voudrais y croire et pourtant au delà du désespoir, au delà de moi je voudrais le hurler, le cracher. C'est comme ça le monde me bâillonne, c'est comme ça ce monde m'effondre. Pourtant ces « ne me dis pas » j'en ai rêvé, j'en ai bavé, j'en ai pleuré, j'en ai chanté. C'est comme ça. Ce monde me plombe. 
Ne me dis pas tu me déçois, ne me dis pas j'aurais dû, ne dis pas je ne t'ai...chut me pas, ne me dis pas je m'en vais, ne me dis pas fini, ne me dis pas. Comme ça, ce monde est un combat, ce monde est nauséamonde. Ne dis pas sourire ne me dis pas beau/temps, ne me dis pas je te...ni veux, ne me dis pas. 
C'est comme ça, ce monde, ce monde ne me quitte pas, ne m'oublie pas, ce monde n'est pas terre ronde alors pourquoi pas… pourquoi pas se perdre dans tes...bras, se perdre dans ton...monde, ton Dysney monde, dessiné pour Noël, ce monde dys/né pour s'aimer quand la terre gronde. 
C'est comme ça mon amour c'est comme ça le monde ne tourne pas la bonne ronde, alors dis moi des choses tendres, des choses que je ne veux pas entendre, des souffles que je ne respire pas, des mots que je ne dis pas. C'est comme ça ce monde me crie. Je ne veux pas, pas qu'il me rassure, ce monde est une imposture, alors dis moi le silence, le silence de ton corps, le ciel de tes yeux, de mes yeux l'ombrage quand le sol est en feu. 
C'est comme ça, ce monde, ce monde est clos, ce monde est tort, torturé, clôturé, tourmenté, propriété privée, privé de toi mon amour, moi sans propriétés vraiment remarquables, ne me dis pas surtout pas, ce monde nous prend pour...pour ce que l'on n'est pas, ce monde pour lequel l'on n'est pas né, né pour s'é...triper, né pour... fendre, ce monde n'est pour personne .
Alors on invente une langue, langue de nos signes, et l'on désigne avec nos bras, nos jambes, nos yeux, avec tout ce qui est nous un poème pour deux, peau-aime nue, dans la rondeur de nos mots tus.

jeudi 10 décembre 2015

plaisir des règles

J'aime les règles et la loi. J'aime les règles de toutes les formes, de toutes les matières, mais de toutes les manières celles que je préfère sifflent et cinglent durement. 
J'aime quand elles frappent ...parce que le plaisir s’accroît...mais ce que je préfère, ne m'en veuillez pas ma chair, que j'aime éperdument, c'est quand elles s'abattent sur le bout de...
sur le bout des doigts sèchement, à cause du plaisir… du plaisir de les retirer au bon moment parce que l'effet... l'effet de la règle ne se fait sentir que lorsque l'on s'y soustrait, plaisir subtil de la transgression où le délinquant s'éprend de sa douleur quand on le prend... la main dans le...sac. 
D'ailleurs il ne s'accroît - le plaisir que lorsque les faits se rappellent à lui - le délinquant et plus tard à sa sortie, il se souviendra de la minute, de la seconde où la main que dirige la règle a frappé. Il recommencera jusqu'à ce que, que la règle à nouveau se rappelle à son bon souvenir.

lundi 7 décembre 2015

Quelque chose dans l'air


Il ouvre ses yeux, et la fenêtre.
Il se lève, regarde le ciel tranquille, son bleu immobile et en dessous le tumulte des gris.

Il se dit :
- Et si c'était la dernière...

Il aime,
la rectitude des toits de tuiles,
il aime,
la géométrie rassurante de sa ville,
les maisons posées sur le bord des rues,
leurs yeux ouverts ou clos selon l'heure.
Il se dit :
- la dernière... .

Il s'immerge
dans le ronron familier des moteurs,
dans le bavardage hypnotique des foyers,
les bruits assourdis d'un jour précieusement ordinaire.

Et si c'était....

Il touche la ville des doigts,
sent sa rugosité le pénétrer,
il éprouve la dureté des trottoirs par ses pas nonchalants ou non,
glisse son épaule sur d'autres épaules
et se régale de leurs frottements légers.

...La der des der.

Il suit un parfum qui le prend par le bout de son nez,
chevauche sa fragrance ondoyante,
il dévie capturé par l'odeur d'un café,
fuit les fumées âcres échappées d'autos aérophages.

Sans cesse il se répète :
si c'était la dernière fois...dernière fois que ce jour se lève.


mercredi 2 décembre 2015

J'aurais voulu

J'aurais voulu... à ce temps de nos conjugaisons peine perdue, le regret ma chère envahit la trajectoire de nos regards et si mon sourire adoucit le plis des ans pour quelques moments, je te le dois. 

J'aurais voulu... ma volonté s'abandonne au dépit, à la résignation.

A ce temps de nos conjugaisons les mots s'enchaînent dans la douleur d'un tango et nos pas s'emboîtent dans son corps à corps fiévreux. Dans la mie ombre ma chère nos lèvres rouges s’entrouvrent puis s'enveloppent d'une ardeur charnelle pressées les unes contre les autres à la chaleur d'un rock’n’roll et nos yeux s'endiablent d'un tempo à fleur de peau. 

J'aurais voulu connaître le tabou, transgresser les nuits d'un saint germain enterré, sentir le vent de ta robe dans une de ces pirouettes qui découvrent si haut les jambes, si haut à la Doisneau, noir sur blanc fumé et saxo sexy dans cette cave de Boris à Miles Davis. 

A ce temps de nos conjugaisons. 

Et puis nous serions allés au café de Flore chanter l'existentialisme sauvage ou l'absurde solitaire au rythme de nos verres.

J'aurais et toi voulu à deux droit dans les yeux...j'aurais et toi soupiré conjugué caressé, voulu nous embraser d'un feu particulier nourri de nos espoirs car il faut bien rêver pour persister.

Nous conjuguer à l'inconditionnel par tous les temps, nous vivre sans couleur, en nuance de gris. 

J'aurais voulu suspendre ce vol aux ailes meurtrières dans ce présent où se déclinent guerre et religion.

J'aurais dans cette ville aux siècles des lumières voulu y croiser Rousseau ou bien Voltaire.

lundi 30 novembre 2015

Comme il faut


On disait de moi : quelle gentille fille, comme vous en avez de la chance. J'étais fière et je voyais dans les yeux de papa, de maman les néons de la récompense clignoter. C'étaient de bons parents. Maman me serrait contre elle et papa me regardait avec le tressaillement d'un amour sans bornes.

Je disais bonjour monsieur, bonjour madame,
je disais s'il vous plaît madame,
merci monsieur, bonne journée monsieur.  

Et les adultes fondaient comme glace au soleil.

J'étais polie, joliment aimable, bouche en cœur, 
douceur candide d'une innocence bien cultivée.

Je ne mettais pas mes coudes sur la table,
mangeais de tout un peu,
je levais la main haut pour porter la fourchette jusqu'à ma bouche
que je fermais pour mâcher muette.

Et les passants à mes parents :
mon dieu la belle enfant.
Mes parents étaient de bons parents.

Se laver les mains avant de passer à table,
se laver les mains quand on a touché la terre,
la poignée de la porte des toilettes,
et la main de ma grand-mère.

J'ai grandi.
 
Aujourd'hui je trie mes déchets, la poubelle orange, les papiers et les journaux,
il doit rester zéro
et tous les jours je mange bio, bio tous les jours.
Aujourd'hui papa et maman ne sont plus là pour me dire ce qui est bien.
Mais je me débrouille.

Je dis
black, blanc, beur
SDF, sans travail.

je dis bonheur la bouche en cœur,
je dis joie et amour,
je dis dieu un peu mais toujours avec ferveur,

je n'ai jamais un mot plus haut que les autres.
 
J'ai fait des études, fait mon droit, mon bon droit,
suis avocate maintenant et parle comme il se doit,
comme il se doit que je parle
quand je défends la veuve et l'orphelin,
l'opprimé et le déprimé,
le délinquant et les escrocs,
tous ceux qui ne font pas les choses comme il faut,
comme il se doit qu'on les fasse

parce que papa et maman ne leur ont pas appris comment il fallait faire comme il faut.
S'ils l'ont fait ils ne l'ont pas fait comme il fallait sinon leurs enfants ne seraient pas délinquants ou bien ils ont tout fait comme ils devaient faire mais leurs enfants n'ont pas écouté.

Ils ont choisi le chemin des quartiers,
des mauvais quartiers où l'on nique ta mère,
l'on se la joue chelou, avec des yo et yes,
où l'on parle avec l'air méchant et les gestes qui vont avec wesh wesh,
parce qu'ils sont des gens bien comme il faut dans ces quartiers comme il en connaissent,
pas plus méchants que moi
avec mes s'il vous plaît,
mes merci,
eux avec leur yo et yes dedans ces quartiers où dit-on , on ne fait plus de quartiers,
ces endroits remplis de jeunes comme il se doit quand on vit là où ils vivent….

Là,
j'en ai vu un qui faisait la honte de ses parents parce qu'il ne parlait pas comme il faut.
Et les parents étaient tout dépités, dépités d'avoir un fils pas comme il le faut
et les gens qui passaient, savaient qu'ils avaient fait tout ce qui était dans leur pouvoir pour corriger le black mouton,
et les voisins disaient pauvres parents c'est dur d'avoir un fils pas comme il faut
qui dit bonjour, bonsoir, merci au revoir,
tous ces mots des mauvais quartiers
où l'on se drogue,
où l'on se bat,
où les enfants sont dans la rue jusque très tard,
les enfants des quartiers sombres, pour ne pas dire…

cet enfant a grandi, mal tourné, tout le temps fourré dans d'autres quartiers,
son père et sa mère ne sont plus là pour se désespérer mais lui ne s'en plaint pas.
Il me dit même qu'il se porte mieux avec des mots choisis,
des mots des quartiers où j'ai grandi,
des mots qu'il a adoptés,
qu'il dit avec respect parce qu'il a appris à les aimer,
et moi qui les savais tous, les prononçaient soir et matin comme un robot
je ne les reconnaissais pas quand c'était lui qui leur donnait la vie.

Alors j'ai épousé ses mots avec la robe qu'il leur avait modelée et on s'est marié dans toutes les langues avec tous les mots bien pensants ou non, choquants ou non, avec les mots de tous les quartiers et avec bonheur aussi.

jeudi 26 novembre 2015

Quotidiens

7h : Il se réveille. Pas besoin d'alarme, son corps s'est calé sur l'horaire. Il se lève immédiatement. Il n'attend pas, il n'attend plus dans son lit…
- Pourquoi le faire quand on dort seul, que pourrait on espérer : une fée perdue ou noyée dans une mare de whisky, au mieux une compagne éphémère ? La chaleur d'un corps, une respiration ce serait bien…
Trop bien pour lui sûrement. Non, la seule chose qui respire dans cette chambre cagibi c'est lui.

7H05 : Il se douche, juste le temps de se laver, de se rincer des illusions nocturnes ou de quelque rêve coincé dans l'éveil comme une mouche prisonnière. Cinq minutes pas plus, il faut économiser l'eau. Il aime bien sa douche. Douche à l'italienne.
- Il n'est pas assez naïf néanmoins pour la dorloter comme une amie.
Il n'est pas amoureux de sa création comme de nombreux bricolos qui remplissent les heures vides par un trop plein d'agitations ingénieuses.

7H15 : Il allume la télé, programme pour enfants, s'allonge sur le canapé, se couvre d'un léger duvet, passe du mode sommeil à celui de l'éveil. Tous les matins seront pareils.
- Pourquoi, vieil automatisme du temps où sa fille était toute petite ?
Non, pas automatisme, le mot ne convient pas, il est volontairement dévalorisant parce qu'il assèche son contenu, parce qu'il fait de lui une machine à vivre plus qu'un homme qui réfléchit, aime, pleure, colère. L'automatisme est dans la répétition du geste pas dans sa teneur.
- Il allume une télé.
Non il ouvre une fenêtre sur un temps de bonheur, sur des souvenirs augmentés d'une aura de joie plus intense que vécue. Il aime les voix faussement candides d'un Titeuf – et Bérénice, ça il rajoute bien sûr, ou encore Scoobidooo .
- Il a des goûts plutôt déplacés : à son âge suivre des émissions pour enfants.
Non, il aime parce qu'il entend la vie banale des jours heureux, les petit déjeuners quand sa fille avait cinq ou six ans, qu'il était marié mais ça ce n'est pas important, il a oublié mais il n'oubliera pas sa fille, sa voix qui résonne encore dans sa mémoire, la joie, les rires, ses cheveux tout blonds à cette époque, son survêtement vert, elle, devant la télé...
Pour avoir cinq minutes de calme avant de partir sinon la télé…
il n'y tenait pas plus que ça, la maman peut-être, pas sûr. Aujourd'hui, trente années après il reste la chaleur de ce moment ranimée par quelques images intemporelles.
-Un Éden pour remplacer une vie ?
Peut- être mais il exagère, il théâtralise...
- La main sur le front, le visage qui questionne le ciel, le regard perdu, le dos tourné à son interlocuteur imaginaire qu'il repousse d'une main tendue, harassée, expression tourmentée, corps abattu.
Il n'est pas comme ça mais il en sourit et c'est déjà ça de gagné. Demain matin il y repensera et le souvenir reviendra. Ça durera un quart d'heure. C'est toujours ça de pris sur la mélancolie.

7h30 : Le moment du café. Avant il n'en buvait pas. L'habitude lui viendra avec sa femme, la mère de son enfant, grande consommatrice. Ils étaient jeunes, partaient le matin à la dernière minute, filaient à toute vitesse avec juste le temps d'avaler un express. Tout a disparu sauf la tasse qui est devenue bol puis cafetière. L'odeur revient de loin comprenez vous. Familière, enveloppante, rassurante, douloureuse également. Pas de tartines beurrées à l'époque, non pas le temps. Il mangerait mieux à midi. Aujourd'hui une cafetière quatre tasses, monument posé sur son socle de faïence rouge, attend. elle arrive directement d'Italie avec la langue qui chante à l'intérieur et l'affection de sa fille.
- Un cadeau ?
Oui. Elle vient de Rome exactement.
- Il prendra une gorgée de café, d'amour, de rêves, de souvenirs.
Son souvenir bout sur la plaque de cuisson. L'eau chauffée est contrainte de passer dans la poudre, se charge de son arôme, s'en trouve colorée. Elle circule avec un gargouillis ronchon d'une qu'on oblige, qu'on dérange dans son équilibre d'eau et elle en exprime le désagrément, fuit à travers une faiblesse du joint, s'évade, s'évapore brûlée au rouge halogène, bave coléreuse, se répand en pellicule marron. Il écoute l'habituelle complainte de la cafetière, la retire du foyer, verse le sombre nectar dans un bol jaune écaillé de noir.
-Le même depuis des années ?
Le reste d’une époque qui s'est mal terminée, un bol sans histoire sauf s'il devait se briser car tout à coup elle réapparaîtrait histoire fantomatique, brève et chaotique, violente et passionnée.
- La complainte du café.

7h40 : il se sent un peu café, les Lapins Crétins aussi derrière l'écran mais sa fille bavarde à ses côtés.
- Le train-train de l'ordinaire mi vrai, mi rêvé.
La voix de l'enfance, de toutes les enfances, la sienne, celle de sa fille, de ses sœurs et frères, de ses camarades d'antan. Enfance de campagne, enfance de nature, contre la vie des villes...
- Où l'on n'est jamais aussi seul que dans la multitude.
Silence de voisinage jamais rencontré...
- Silence de couloir, silence du soir, nocturne sans musique, pas d'échange, pas de connaissance de pallier.
Pourtant deux mètres au-dessus de lui, quelqu'un se douche, ça s'entend un peu, quelqu'un prend son petit déjeuner, peut-être du café.
- Pourtant à coté, dix centimètres au delà du mur de béton quelqu'un se lève, respire, écoute la radio ou regarde la télé. Dix ou vingt centimètres tout au plus...
- Et cela suffit pour s'ignorer les uns les autres.

8h : Il s 'habille parce qu'il le faut…
- Il ouvre ses volets roulants parce que ça se fait…
range son appartement parce qu'il n'aime ni les pièces de musée qui sentent le rigide à plein nez ni le capharnaüm qui dénonce le désordre intérieur, le laisser aller des occupants.
Il vit parce qu'il le faut, parce qu'il n'aime ni le désordre ni l'ordre impérieux. Il vit tout simplement comme il peut, les mains dans un bonheur discret avec une bonne dose de renoncement et une autre de rébellion.
- Il vit comme ça tous les matins ?
Il vit comme ça tous les matins des jours qui se déplient page après page, entre passé recomposé et présent palpable mais pas encore complètement construit. Mais...
- Mais l'autre jour…
Mais il y a aussi les week end, les petits déjeûners à deux, dans une chambre de soleil radieux…Avec de la souplesse dans l'air, des bavardages, une voix de chair, la voix d'une belle âme chère….
- Sa belle amie si chère.
Tout se mélange et cela fait une dose de légèreté à déguster dans une lampée…
- de café ?
avec le sourire s'il vous plaît
- Tous les jours ?
Non, l'autre jour… mais… non. L'autre jour il n'a pas suivi les programmes coutumiers, il n'a pas regardé la télé, sa fillette de cinq ou six années s'est tue, sa belle âme, belle amie s'est blottie contre lui. Ils avaient les pieds pris dans les mailles du quotidien mais d'un quotidien pas du tout ordinaire, un quotidien dont ils sentaient les griffes sur leur peau et les morsure sur les bras, sur les jambes, balafres vicieuses...
- Des coupures dans leur ville.

Les blessures de Paris percutent leur vie.




mercredi 25 novembre 2015

Maraîchage électoral


Achetez ou vendez du citoyen comme des tomates. Bouffez de la république comme du chocolat. Cultivez en plants media, tutorisez les vieilles plantes fragiles, caressez dans le sens des feuilles, semez la peur en champs électoraux, choisissez vos porte- greffes dans les terroirs les plus glauques, plantez français.

Gesticulez, moulinez dans le vent, éventez vos engagements, passez la brosse à reluire, bouc-émettez, élevez vos promesses en batterie. Essaimez. Traitez à la bouillie, repiquez, répliquez.

Montrez du doigt, attisez l'ego, tordez les mots, torturez les idées, déformez, réformez sur papier, blablater, serrez des mains, embrassez du bout des lèvres, tournez la veste, allez, venez, dansez la danse de la mouche autour du coche, héler, crier, interpeller , copiner, ergoter, cocoricoter.

Faire du vent, répandre des bruits, ruminer la rumeur, s'amnistier, troubler l'eau comme la chaux, mentir, cacher, se couper du monde, vase clore, clôturer le champ de ses interventions, chloroformer, chlorer, tri-chlorer, tri-colorer, mettre dans le secret, mettre au secret.

Nager en eau trouble, dans le sens du courant, filer, se faux filer, falsifier, récupérer, détourner, achever le mourant, dénoncer, renoncer, danser la danse de saint Gui, buzzer, big buzzer, beugler, bluffer, jouer les cow-boys, cow-boycoter, sourire, fomenter, conspirer, conspuer-embrasser-embraser , rhéto-rhétorire-rhétoriquer, réthoniquer.

Bouffer de la politique comme on s'envoie un burger, vite fait, sans goût, sans état d'âme. Attention à la surcharge, attention à l'excès, attention au laxisme, attention à la république des bananiers, attention trop c'est trop, beaucoup trop le chaland va vomir.

vendredi 20 novembre 2015

Fluctuat

Solidaire.

Je suis sol, sol sans terre sans territoire, sol en terre sans frontière.

Je suis terre, terre des hommes, terre fraternelle, seuil pour tous les sans seuil.

Je suis sol à seuil et sans frontière, porte ouverte, main tendue et fraternelle.

Je suis sol et terre, sol et seuil, seuil et porte, porte voix, porte parole.

Je suis sol que les balles ballottent, qu'on assaille, qu'on mitraille, détourne, récupère

sol de combat, qu'on replie, qu'on emprisonne,

sol d'exil qui refoule, qu'on repousse, qu'on libère,

sol acculé contre les mers, adossé à la fin des terres,

mais sol toujours,

toujours sous vos pas, vos paroles,

sol qui vous porte et ne se dérobera pas.



Et puis je voudrais être un sol qui donne le ton, ne sonne pas le glas,

ton sol, ton soleil

parce que je vois de la grisaille sur ta bouche, de la mitraille sur tes yeux,

du repli dans tes mots, du silence dans ton cœur,

être ton sol haut en couleur,

sol qui ballotte mais toujours te porte.



























Je suis sol et terre terre sans frontière, je suis seuil ouvert à tous les pas,

lundi 16 novembre 2015

Pèlerinage

Peut-être existe-t-il un tiers au delà mais pas de l'espèce que nous décrivent toutes les prophéties. Dieu ne nous a rien fait directement mais ses églises, ses sectes et tous ceux qui se prétendent élus avec ou sans barbe ont fait preuve d'une grande créativité pour nous maintenir le bec dans l'eau, l'au delà bien sûr. Et les prophètes sont à la religion ce que les grands cuisiniers sont à nos petits plats. 
 
Que dire de nos chevaliers de robe politique qui brandissent leur bla bla bla comme des armes, aguichent les troupeaux moutonneux que nous sommes à coups d’œillades sécuritaires et plus on parle de nous protéger et plus ça me fait peur et plus j'ai mal au cœur. Nos guignols gesticulent, crient aux scandales, déversent leur flots de haine personnelle. Religieux, politiques même combat dirait-on. 
 
"Mon petit, faut qu'ils vivent" répondra La Voix qui résonne sous mon capot. Elle en a de bonnes. A sa décharge elle instille une grande dose de cynisme dans le fond de ses remarques. Reconnaissons le, il doit bien avoir des purs sous les soutanes, quelques doux dingues aux convictions sincères dans les temples de prière ou les fabriques de nos idées, idéaux démocratiques. On les entends bien mal et la sagesse d'ici bas ou d'en haut se dissout dans les professions de mauvaises fois. Ça couvre à grands cris leur petites voix. 
 
Je ne communierai pas avec les braillards. Tous ont tellement de sang sur leurs prières. Aujourd'hui pas plus que demain et pas moins qu'hier, nous partagerons notre pain quotidien sans calcul, sans aucune équation qui viserait l'égalité entre ce que nous donnons et ce que nous recevrons dans la nébuleuse d'une après vie, pas après mort non, après vie parce que la vie est et ça suffit.

Aujourd'hui bien plus qu'hier encore, allez donc savoir pourquoi, partir en croisade armé de la volonté indéfectible de jouir. Saluer la vie encore et encore, se laisser pénétrer de ses courants d'air, la laisser introduire en nous la douceur d'une gorgée de café au réveil, marcher dans nos villes, nos campagnes sans crier aux armes citoyens, célébrer le ciel et la mer tous les jours face tournée vers l'est le matin et l'ouest au couchant. Aimer le calme et son silence, guetter la musicalité du quotidien dans la chanson du tram, le ronronnement du matin, contempler, aimer, vénérer la danse de l'ordinaire pour en extraire l'essence unique. Pourquoi la légèreté de l'être ne se goûte jamais autant que sous la menace ?

Être riche de ce que le jour nous donne, riche désespérément, riche de sa vigueur parce que nous connaissons trop la fragilité, la précarité de ce qu'elle construit, qu'elle arrache au néant qu'elle bâtit sur le chaos. Nous marcherons seuls dans nos rues, nos chemins, la tête en l'air, l'esprit aux aguets prêt à s'ouvrir au moindre chant d'oiseau, au moindre frôlement d'une robe, à ta moindre caresse ma compagne, mon amie si chère, à ton premier gazouillis de bébé ma petite fille, à ton sourire de maman, ma fille, vous tous qui partagez le quotidien de nos pensées et toi aussi qui promène ta canne et ton gobelet à chaque feu rouge, mendiant soupçonnable ou toi encore dont nous croiserons le regard, toi qui nous sortira de l'anonymat par un bonjour, un vrai avec les yeux dans les yeux.

Nous marcherons, nous nous exposerons à vos éclats de rire, à la mitraille de vos printemps, nous exploserons de joie avec l'urgence de celui qui se sait mortel. 



samedi 14 novembre 2015

Comme si


Aujourd'hui je saluerai le soleil
le jour qui se lève, comme si,

je tremperai mes tartines beurrées 
dans la quiétude des heures ordinaires 
comme si, comme si,

je parlerai de la pluie et du beau temps, 
des saisons qui s'en vont,
de la nuit d'avant avec le silence des mots 
je dirai les banalités du quotidien,
comme si, comme si,
 
Comme si le temps avait sauté des heures, 
la mémoire gommé vos traces 
comme si, comme si,  

puis l'épicerie ouvrira,
la vieille cliente entrera,
dira bonjour madame, vous avez vu, mon dieu.

A la boulangerie l'enfant du dimanche 
trois croissants s'il vous plaît,
la vendeuse lui sourira avec un mot gentil 
et dans leurs yeux le comme si, le comme si

parce que nous n'avons rien de mieux à offrir
pas d'autres armes pour vous rendre hommage
et je n'en réclamerai pas de nouvelles
parce que nous ne plierons pas
parce que la vie qui coule n'est pas faite
pour remplir de sang les rigoles et les trottoirs.

Alors je vivrai comme si, comme si
pour résister, sans oublier, sans me taire,
sans fermer les yeux sur les errements
de ceux qui gouvernent.

Comme si, comme si
sans me compromettre
dans des confusions faciles
comme si comme si.

vendredi 13 novembre 2015

Cela pourrait être...

photo : Les poèmes d'Argyne
Cela pourrait être une fenêtre par où on regarde le monde s'agiter à l'extérieur de soi, bien confortablement installé devant ce hublot pour contempler les sauts, soubresauts des trois bateaux que la mer secoue jusqu'au débordement. Un regard de spectateur sur la folie de l'eau, impassible de tranquillité, le spectacle de trois voiliers qui luttent pour se maintenir à flots. D'ici juste un tableau, un mouvement des eaux, quelques voiles qui se déchirent et s'il n'y avait pas ce hublot. S'il n'y avait pas ce silence douillet et chaud entre toi qui observe et ce drame de la mer, s'il n'y avait pas la certitude innocente que rien de ce qui se passe de l'autre coté ne pourra t'atteindre parce que rien ne peut troubler la quiétude de ton point de vue... tu te laisses distraire par l'esthétique de la scène, le ballet des bateaux entre vie et mort, le rythme des vagues. Le ciel troué d'éclairs sûrement. Et si tu t'offrais une bière tout en suivant le drame comme au cinéma. La bière, le fauteuil, le doux ronron d'un feu de cheminée et la rumeur du vent si lointaine. Un peu de musique. Un autre univers.

Mais voilà, le verre cède sous la pression du dehors et l'horreur s'invite dans ta bulle, une douche froide un sursaut de tes sens, le réveil brutal et soudain la violence de l'eau, la rudesse du vent, la détresse des hommes dans cette vague qui te submerge et t'entraîne dans son destin. La nature a horreur du vide dit-on et la mer noie tes privilèges, une gifle d'écume et de rage t'entraîne, la tourmente aspirée se déverse de ton coté des choses sans que tu sois préparé. Deux mondes mis en communication et le bateau coule coté tranquille, coté plage, coté spectateur, au passage t'inonde, te repousse plus loin sur le sable, s'engouffre dans ta vie et tu entends dans ta peur des cris d'hommes, des hurlements de femmes, des pleurs d'enfants qui se mêlent à ta détresse passagère, l'effroi et le froid et le craquement lugubre d'une coque qui se disloque et l'odeur de la mort se répand dans ta chambre, des corps étranges, des cris d'étrangers. Le dedans et le dehors s'équilibrent. Leur trop plein de terreur se vide dans ton trop plein de quiétude et tu te félicites de n'être qu'une victime collatérale, victime mais vivant. Alors tu te mets en colère et tu hurles : mais vous êtes fous, retournez d'où vous venez, on ne vous a pas invité, regardez ce que vous avez fait, le désordre que vous avez semé, les dégâts,les troubles. J'en suis tout retourné. Partez.

jeudi 12 novembre 2015

L'amour vache

Je t'aime, t'aime, t'aime
le-carnet-de-jimidi.com
je t'aimeuh meuh meuh.
De mâle en pis,
de pré ou de montagne
de Salers ou de Bretagne
mais je t'aime , t'aime, t'aimeuh.
Avec ou sans un clocheton
ding et ding dong
je t'aime t'aime t'aimeuh.
En robe rousse ou blanche et noire
en bête à viande ou bête à lait,
bête à manger du foin,
à l'armoricaine, béarnaise ou charolaise
que tu meugles, beugles ou vêle
je t'aimeuh meuh meuh...
ma vache à lait
ma marguerite et son prisonnier,
ma chérie vache, vacherie
je t'ai, t'ai dans la peau.

mercredi 11 novembre 2015

Aïe-phone


Chaque soir à la nuit tombée et quand ça sentait bon le sapin de Noël, il sortait arpentait les rues, se gavait de lumières, de jingle bells, de joyeux Noël, il s'arrêtait devant des boutiques rétroclairées comme des écrans de phone. Il se collait le nez contre leur vitre léchait leur verre avec l'envie qui lui serrait le ventre, lui vrillait les intestins. Cet Aïe Phone, le Sept, le dernier né de la gamme, avec un hochet pour les bébés, sa coque aux couleurs du Barsa, trop cool juste celui qu'il voulait, trop bon… trop con, je n'ai pas de ronds.

Petite voix malhonnête :
- tu connais pas le slogan ?
Lui :
- Quel slogan
-Si tu peux pas l'acheter...
-Je sais pas voler
- Mais t'as vu comme il est beau, il est vraiment trop chou, regarde regarde mais regarde !
- C'est vrai, j'en rêve, il irait très bien dans ma main, son écran doit être doux, ses couleurs, ses musiques, son ronronnement... Arrête, je sais pas voler, je te dis!
- Casse la vitrine...
- J'suis trop nul!
- Et les filles tu as pensé aux filles, Malika, Loane, Sue, la belle Sue avec ses yeux d'amandes, sa peau blanche, la petite vague qui agite son pull quand elle court, ses jambes longues, longues, longues… la belle Sue aussi belle que le Sept.
- La belle Sue et ses lèvres… sa peau, son parfum... et toutes ces belles Sue… c'est trop top...

Bruit de verre, sirène, alarme, vitrine, du sang, l'aïe-phone…
- Mon icône, mon aïe-cône.

Je veux, je vole, j'ai mais je veux encore. Sept, Huit, Neuf… qui vole un œuf...

mardi 10 novembre 2015

Petits bonheurs


Les gens heureux sont silencieux, passent dans nos vies à pas de loup. Ils laissent au dessus de nos yeux un grand panache bleu qui traverse nos cieux. C'est la comète des gens heureux. Et tu sautes et tu lèves le bras comme l'enfant d'autrefois sur son cheval de bois.

Les gens heureux n'ont pas d'histoire, les gens heureux ne font pas d'histoires, les gens heureux ne font pas l'Histoire à coup de hache majuscule mais nous les seigneurs de guerre nous aimons mieux le roulement du tonnerre, les grands débordements de colère, les choses saignantes, aux grands attachements qui nous collent au cœur comme un caramel mou s'agglutine à nos dents.

Nous adorons le sans amour. Nous sommes si loin dans nos déserts, désirs de querelle, si loin de cette comète dont on ne voit que le bout du bout de la queue.

Les gens heureux ont une petite histoire avec une hache en minuscule. C'est pour tailler le bonheur en allumettes, en faire des boîtes que l'on donne aux petites Suédoises quand les rues sont froides, le bonheur en boîte, boîtes d'amulettes pleine de lumière, pour nos petites Suédoises que l'on appelle toutes Lucie les jours sans lumière de Suède ou d'ailleurs.

Quelle drôle d'histoire. Je préfère les grandes salves au flash d'une allumette, les grandes slaves aux petites Suédoises. Je hais le goût du miel, la tête du Prince Charmant.

Lucie aimait les allumettes qui crachent un instant de bonheur dans la flamme qui la brûle. Lucie a craqué toutes ses amulettes. Elle brûle maintenant dans une boîte de bois blanc. Lucy in the sky with diamonds, in the sky with daimons.

Et les gens heureux demeurent silencieux, ils passent toujours dans nos vies à pas de loup et nous les loups chérirons toujours l'obscurité des choses.