jeudi 4 février 2016

Attendre

Anja Klauss
La mer chante sa rengaine que la plage boit de tous ses grains de sable. Il fait encore noir, il fait encore sans bruit, juste le crépitement irrégulier d'un clavier. Attendre, attendre un réveil, son réveil dans une pièce vide d'elle, entre des murs et des meubles où elle n'est pas encore là. C'est l'heure immobile. Les corps sont encore en sommeil mais il ne manque rien, tout est à sa place, il faut simplement qu'elle se réveille.

Je suis là posé sur un fauteuil l'esprit verrouillé sur elle, l'oreille tendue surveille l'étage, le bol aussi et la tranche de pain grillé et le café qui retiendra son arôme jusqu'au moment où… et la lumière à peine visible de l'extérieur qui guide la maison-bateau dans le noir d'une fin de nuit.

Rien ne respire librement. Il manque une voix qui sonne comme un éclat de soleil, il manque une parole banale comme bonjour mon … je n'ose espérer le mot qui devrait venir après ce mon…

Il viendra la danse des mots, la radio et ses infos, il viendra ses bruits de pas, il viendra la lumière, la vraie celle d'un matin déjà haut placé dans son ciel. Le soleil, il me faut mon soleil...il faut couper cet arbre qui me gâche le réveil d'hiver. Puis les bruits d'eau, puis le silence puis l'arôme du petit déjeuner jusque dans sa chambre et tous les deux sur le lit à goûter ce matin et son café, ses tartines beurrées.

La maison s'étirera, s'ouvrira au monde, secouera son couchage, la maison et sa chanson de petite cuillère qui tinte sur la paroi de la tasse avec le chant du café qu'on verse, le pain qui craque dans la bouche, le beurre qui fond avec la confiture dessus. Le moteur s'emballe, le jour s'affaire, oublie le matin, la nuit le sommeil, l'attente. Les affaires courantes courent, on ne les rattrapera pas toutes, les rires se mêlent aux déceptions, les disputes à la tendresse.

Le soir. Déjà ? Son feu de cheminée à la braise rouge, ses flammes trop à l'étroit dans leur prison de fonte et d'acier puis la chaleur, la fatigue, les corps en demi veille avachis sur le canapé, la télé et son blabla du soir et la nuit et les yeux qui se ferment, les mains qui se serrent, les corps qui s'enlacent.

Une part de lune, une mer et sa rengaine, une maison clôt ses paupières… Il fait nuit, il fait sans bruit...