vendredi 27 février 2015

Grimpe, grince


Dimanche. La gent se répand dans les zones de soleil, la gent sportive s'active au ras des rochers et le grimpeur chauffe ses muscles, expulse ses sons gutturaux, s'agite au bout de sa corde, la gent se concentre dans la voie, la gent se concentre au pied des falaises. Ici l'on mesure son niveau sur une échelle graduée de 1 à 9 complétée d'une lettre a, b, c. 9 l'apothéose  avec son C Champion du Monde, 8 et son appendice ultime, la marche juste avant le domaine des dieux ; 3,4 la caste des Intouchables, 5 le premier barreau digne de ce nom.

Il y a du monde, il y a de la sueur, il y a de l'humeur, il y a ceux qui s'accrochent au rocher avec dans le corps le cri de la crainte, la fesse en arrière et dans l’œil le malheur du novice, le malheur de la copine que son chéri traîne dans l'arène par son corps d'amoureuse, l'italienne qui hurle de,peur en haut de la voie, vilipende son second du bas qui fait la tortue, rentre la tête dans les épaules quand tous les regards amusés se retournent sur lui. Elle est belle ma grimpeuse mais quelle emmerdeuse !

Il y a le demi dieu, sculpté dans le roc, musclé comme un roc, qui fait corps avec le roc, s'affiche et se fiche de tous les novices, les grimpeurs du dimanche, les ringards de la couenne.

Il y a l'expert au plus haut de son art, monsieur 8, monsieur 8a, monsieur 8... aaah la la la le geste, la danse, la prise, le cri, la crise, le vol, l'envol, le crux, la croix, le mono-doigt céleste, le nirvana, l'essence du géko, la grâce de la danse, la chute, la réussite, le cri, les applaudissements ! Merci, merci dit l’œil dans le silence des lèvres.

Et toi le vieux chenu noueux, le grincheux qui grimpe en grinçant, tu trimes dans ton 5b béta, béta- bête, bêta- ringard. « L'Sklad C un sport de djeun ! Te reste le golfe et la canne ». Accroche toi le vioque, prie la prise de peur qu'elle ne se sauve, avance geste après geste, tu t'en fous de la perf, l'important c'est de participer, allez montre lui à ce bourrin que tu grimpes en finesse, qu'à ton âge il sucrera les fraises, montre lui que t'en as rien à faire de l'arrogance du vainqueur, avance, ne te décourage pas, tu l'auras ta croix, tu l'auras ton 5b mon jésus.

Texte, © Joël Carayon












mardi 24 février 2015

Ça ne fait rien

Jeune, j'aimais la nuit
pour ses fastes fastidieux,
j'aimais la nuit et ses néons
qui vous invitent d'un clin d’œil
à venir voir à l'intérieur.

J'aimais la nuit dans ses habits sexy, la nuit qui joue avec les si.

La nuit, ses comédiens, sa comédie,
la nuit et ses voiles d'alcool
sur nos yeux appesantis de rêves,
la nuit, ses jeux de drôles de rôles,
la nuit et ses tragédies
dans les recoins obscurs.

Ça ne fait rien car au petit matin
les ombres s'en retournent en Chine
derrière leurs écrans d'artifice.

Ça ne fait rien car au petit matin
il n'y a plus que des gens de l'ordinaire,
des gens sans l'épaisseur de l’apparat
et ça fait rire le soleil.

Texte, © Joël Carayon

dimanche 22 février 2015

Tu ne veux pas voir le Couchant

Tu ne veux pas voir le Couchant,
tu ne veux pas voir flamber le monde
sur le bord de la nuit,
quand l’œil plonge dans l'océan,
les rouges bleuissent,
le soleil se drape de la sueur des cieux ?

Je préférerais le Levant
qu'il réchauffe de son sang
quand le jour s'éclaire
d'un espoir grandissant.
Quand la vie commence.

Je préfère les promesses d'un jour
au bilan du soir qui sombre.

Texte, © Joël Carayon

samedi 21 février 2015

Vacances éternelles

Les vacances éternelles séjournent en très très hautes cimes, à plus de quatre vingts années.
Elles vivent sur les terres en arrière du jour,
dans le silence noir d'une nuit en majuscules.

mercredi 18 février 2015

Bon anniversaire

Tic tac,

tique tique taque,
tique tique taque,
Petit train de Mô
roule dans la roue de l'an.

Tit train tit train qu'entre en gare,
gare gare au temps
qui coule le long des rails.

Aïe aïe aïe
d'aiguillage en aiguillage
tit train s'anime de nouveaux visages.

Et Tit Loco-Mô-tive
tire tous les wagonnets,
un de plus à chaque année.

Monsieur le contrôleur
de tous nos retours d'âge,
gare !

C ar je veux qu'ensemble
l'on tourne tourne tourne,
très très très longtemps !

lundi 16 février 2015

Fumet de culture

Je hume. Je hume l'air, je hume un fumet dans cet air. 
Ça sent l'homme, le brut, à plein nez, fort comme une gifle.
Le musc s'infiltre, le musc s'invite, s'empare de nos papilles. 
Ça sent l'homme sauvagement, une volée d'hormones, un concentré de masculin, un précipité au féminin, une tannée à brûler les sinus. 
Je me prépare, je me pare du fumet d'un corps trop en odeur, trop en odeur d'homme. J'hume, j'humanise l'odeur. Je me parfume, je me cultive.