samedi 30 juillet 2016

Quantique

wikipedia
Chercher dans la lumière l'enfant indéfiniment replié sur l'instant mis en boucle, bout de vie suspendu dans un éclair. S'aligner sur sa vitesse et traverser l'ampleur des siècles, les yeux rivés sur ce moment jusqu'à l'infini.

Il court dans l'or de son été, ses jambes offertes à la chaleur de juin, sur son front l'éclat d'une goutte de sueur. Son pas se projette dans l'épaisseur du temps, il court sans arrière pensée, embrasse le couchant à l'heure où les heures sont encore des années, la terre de ses pieds un continent à explorer, à l'heure où l'on a peur des passagers nuiteux que le rêve transporte au creux de ses ailes. Il est sourd aux menaces des ans et il va les paupières closes, dépasse les étoiles, ose. Il va, par delà les horloges.

La raison me crie : fini, fini, le temps nous est décompté. Mais l'enfant voyage au gré de son ignorance parmi les comètes endimanchées, les troupeaux d'astéroïdes qui flânent sans berger. Il va, demande où se cache Dieu, aux soleils, aux trous noirs dévoreurs des mondes. Peut-être l'un d'eux a-t-il englouti le président des célicoles ?

Monsieur le Physicien me dit : tous tes bouts de temps errent dans l'air ou le non air sur le dos d'un rai de lumière. Avec eux l'enfant que tu étais, bondit d'image en image. 

Mais moi je voudrais un trajet sans bris, rester intact d'un bout à l'autre de ma vie et m'acheminer ainsi dans la conscience fluide que j'existe tout au long de ce chemin. Me souvenir que je meurs à la fin de l'histoire pour renaître à l'autre bout. 

Ne rien modifier, ni les coups reçus ni les bonheurs endimanchés ? 

Non je voudrais bien retoucher, agrémenter, corriger. A chacun de mes passages effacer le malheur ou l'erreur, garder les rires et les amplifier, me tailler une vie sur mesure et la contempler quand elle se déroule ainsi augmentée d'un trait, d'un sourire, d'une maladie gommée, d'une tragédie congédiée, d'une tristesse débarrassée. Heureux en boucle.

Mais ta conscience n'est pas science me répond monsieur le Physicien. Pas touche aux données sinon… 

sinon ? 

D'autres toi même se mettent dans l'arène et chevauchent ton trait de lumière. 

Plusieurs vies, où ma conscience s'abîme partagée entre mon moi et mon moi prime, encombreraient l'espace temps? Que c'est bon, ne serait ce qu'un moment, de se sentir multiplié, cacophonique et morcelé.

Monsieur le physicien se fâche et me gronde : on n'efface rien, on ne fait que cumuler.
Quel bazar ! Pas touche aux manettes mon garçon ce n'est pas toi le patron.

mercredi 27 juillet 2016

Il y a ceux qui se taisent

Il y a ceux qui se taisent, baissent les yeux, vivent dans le silence de leur tristesse, le lendemain se lèvent, se douchent, se regardent dans leur miroir, sourient au monde un peu gris qui se réveille avec eux, dans l'odeur d'une amertume triste ; ils se saluent, se tiennent par la main, se soutiennent d'un regard prolongé, cherchent dans la femme ou l'homme qu'ils croisent, le signe d'un encouragement ; ils marchent avec le souvenir douloureux d'une blessure à cicatriser.

Ils ne parleront de rien, éviteront de revenir sur le drame, d'en retenir la fascination lancinante, s'attacheront religieusement à répéter des gestes quotidiens comme se promener avec le moins d'arrière pensée qu'ils le peuvent, s'aimeront avec un peu plus de force, celle qu'on puise dans la douleur, la crainte. Jamais se disent-ils on ne pourra nous dérouter, jamais on ne pourra nous séparer. La mort n'est rien quand on est juste avec soi même, quand on s'abstient de détourner son regard devant l'étranger.

Ils parlent avec leur voisin de tout et de rien parce que chacun sait que l'essentiel est de briser le silence, ils boivent un café à leur terrasse habituelle parce qu'il faut maintenir à tout prix, le fil ténu et sacré qui nous lient ; ils rient de la blague douteuse d'un collègue à l'humour grossier parce que chacun sait que l'on doit résister, ils vont flâner dans les ruelles d'un jour inondé de lumière ou dans la saveur tiède d'une nuit réparatrice; ils se retournent pour suivre la danse d'une robe légère avec le soleil complice et la dame sourira parce qu'elle sait où vont les regards des jeunes mâles. Comme d'habitude, elle en sera avantageusement outrée. Ils s'ennuieront comme d'habitude, s'émerveilleront comme d'habitude, ils se chamailleront comme d'habitude, se rassembleront dans les fêtes estivales, tendront la main – mais pas l'autre joue, plus que de coutume.

Plus que de coutume, une pesanteur nouvelle en mémoire, dont ils ne peuvent s'alléger.
Et tous ensemble ils couvriront de leur voix, les chants désespérants.


vendredi 22 juillet 2016

Lessive

La pluie d'orage tombe à gouttes voluptueusement engrossées des chaleurs passées. Elle tombe ainsi d'un ciel appesanti des heurs et malheurs que le soleil a chauffés puis brûlés jusqu'à les rendre aussi légers qu'une poussière et l'air, le vent les a emportés là haut, de plus en plus haut mais le haut de nos vies s'est encrassé, et maintenant dégorge à grands pleurs.

Le ciel nous renvoie ses hauts le cœur de roulements de gorge en éclats de lumière.
C'en est trop, il est las de ces braillements humains qui encombrent la terre et ses habitants. Il faut qu'il crie, il faut qu'il tempête, il faut qu'il tonnerre, qu'il renvoie sur la terre, sur les hommes affairés à se quereller, nos amertumes, nos aigreurs dont nous nous débarrassons si aisément. Le ciel est suffisamment grand disons nous pour contenir tous nos déchets.
Mais aujourd'hui le bitume sent le sang et la peur et la détresse et la rancœur et toutes ces choses tristes dont on se déleste impunément.

L'eau du ciel emporte vers la mer la couleur de nos âmes et ce n'est pas beau à voir, ni à sentir. Le ciel renvoie à la mer ce qu'il ne peut plus supporter, et la mer avale, avale mais un jour...