lundi 24 août 2015

Jasmin


Pas un geste, les mains derrière la tête, c'est un hold-up ! Madame Perrain, la caisse vite, et n'essayez pas de m'entourlouper comme la dernière fois où… mais vous m'aviez endormi Madame Perrain, vous m'aviez endormi, alors aujourd'hui pas d'histoire la caisse et vite! ( quel con je me suis vendu tout seul, j'ai trop bu merde, je fais que des conneries ! Et merde, après tout, la taule c'est pas plus mal, je continue, je vais jusqu'au bout) La caisse, je rigole pas !

Monsieur Jasmin enlevez ce slip de votre tête vous êtes ridicule et posez cet opinel je vous prie, vous avez trop bu monsieur Jasmin, vous ne savez plus ce que vous faites. Vous croyez que vous n'avez pas assez d'histoires sur le dos comme ça sans vous rajouter un hold-up ? Allons soyez raisonnable, posez ce couteau ce sera mieux pour vous… Monsieur Jasmin ! Allons ! la police va arriver d'un instant à l'autre je l'ai prévenue, posez ce couteau !… Voilà c'est bien, je le confisque… je le donnerai aux policiers tout à l'heure. Maintenant tenez vous tranquille… Ah la police est là...

Bon je me rends, faites de moi ce que vous voulez mais avant… les toilettes ou je rends tout ce que j'ai bu sur place…
 




Putain qu'est ce que je fous là ? Maman t'aurais pu oublier de me faire ou alors fallait éviter de me bâcler. Maman !

Arrête de pleurnicher comme quand t'étais un gnard. Lâche moi la grappe Jas. L'a fallu que je te supporte pendant neuf mois et que je te nourrisse dix huit années. Alors maintenant fous moi la paix. Va voir ton père si tu le trouves. Ah ah çui là quel courageux, l'a foutu le camp dès que t'es né le Didier. Alors lâche moi les skets fiston, j'ai pas que ça à foutre.

(Ça suffit, on verra la suite demain)(suite)
  

Mais maman t'es plus qu'une voix, c'est pas cool ! Pourquoi tu me parles je t'ai pas sonné, maman si tu continues je pense à autre chose et t'existeras plus… Putain qu'est ce que je fous dans ce trou à rats, ça sent la mort à tous les coins de rues dans cette villotte bien proprette sur elle. Désolation. On aurait dû appeler ce patelin Désolation…. Y a jamais personne dans ce foutu bled merde ! Allez je prends le premier bus qui passe et je me casse, tchao ! Maman ma petite maman qu'est ce que je fous au milieu de nulle part. Juste l'abri-bus et en face, là d'où je viens, mon ancienne maison, ma prison, avec dedans ma petite cellule et puis Staga, Pinot et Mojito, mes co-loc de derrière les barreaux. Ils se foutaient toujours de ma gueule mais au moins j'étais pas seul et puis vu de l'extérieur, ils étaient pas si méchants que ça. Ça respirait le mâle à pleine narine, putain je vous regrette mes amis taulards et puis aussi les matons, le matin on te réveillait, on t'amenait un tit dèj. C'est vrai que je bouffais pas grand-chose : confisqué qu'il disait Staga. Lui c'est un coriace mais Pinot était plus gentil avec moi. Au moins j'étais pas tout seul. Ce patelin, quel cimetière ! Mais suis pas mort merde, j'ai pas envie de crever, j'ai le temps… Maman, ma petite maman..

Allez Jas, t'avais pas qu'à faire le kakou, c'est bien fait pour toi, te plains pas. Tu sais pas boire Jas et tu sais pas t'arrêter à temps et puis quelle idée de passer phares éteints devant les flics à deux heures du mat, puis tu roulais plutôt en zig zag. Nous chez l'italien quand on t'a vu partir on s'est dit : Houla ! Le Jas va pas réussir à démarrer . Tout juste s'il pourra rentrer dans sa poubelle à quatre roues. T'es rentré puis là t'as démarré. Ça nous a bluffé le Jas mais après, mort de rire, t'as dû t'endormir et la voiture est descendue tranquillement du trottoir. Tu devais être au point mort. Puis elle a hésité et enfin elle s'est barrée dans le sens de la pente d'abord lentement ensuite plus sûrement. Elle s'enhardissait et nous on était tordu chez le Rital. Mais ça s'est gâté un chouïa, ta bagnole devait avoir trinqué elle aussi parce qu'elle a enfourché le trottoir puis elle a cogné contre le mur de la maison des Ch'ti. Quel parabastar !…

Maman arrête je connais l'histoire ça suffit, j'ai pris de bonnes résolutions en taule, je bois plus que de l'eau maintenant, la bibine terminé !

Ah laisse moi rire Jas ! Des sarments d'ivrognes !

Maman, des serments pas des sarments, tu te goures tout le temps. Non c'est la vérité. En quatre mois de taule, j'ai pas touché un dé à coudre d'alcool.

Tu parles, tu pouvais pas. Tes potes taulards, ils te prenaient tout ! T'as bien été obligé. Mais je termine, le boucan que t'as fait, y a pas que les tôles qui se sont froissées, les flics aussi. Ils étaient pas loin et bien sûr ont rappliqué. Entre temps t'as réussi à reprendre la route, on sait pas comment. Enfin, reprendre c'est vite dit parce que la voiture faisait ce qu'elle voulait et comme elle avait autant bu que toi… Et là, tu te souviens peut être pas, les flics t'ont fait signe de t'arrêter mais toi, t'as continué et t'as failli en écraser un. Chais pas comment il a pu t'éviter. Nous on est venu voir... Et là crac le banc et l'abri-bus. Quel boucan quand les vitres ont explosé en mille morceaux. On aurait dit un attentat terroriste…

...
Les concierges du Net :



Carambar :



Il en tient une bonne couche et puis ses copains, gratinés..



Cravate bleue :



Sa mère devait être spéciale. Tous irresponsables là dedans et il n'y a que lui qui ait été condamné ?



Ben :



La famille ! Quelle famille il a eu Jas ! C'était écrit sous ses semelles qu'il finirait au moins alcolo.



Cravate bleue :



T'as raison ! Quel pedigree !



Anonymous



Sordide ! . On comprend qu'il se soit mis à la boisson ! Il me fait de la peine quand même.





Et il conduit en plus ?!!



Ben :

Ah bon il avait déjà été condamné pour conduite en état d'ivresse et il remet ça ! Ça fera du boulot pour les « assistance sociales » et les psy… avec nos impôts bien sûr !

A mon avis il est incurable « le Jas », 
Kangourou :



Et il conduit en plus ?!!



Ben :

Ah bon il avait déjà été condamné pour conduite en état d'ivresse et il remet ça ! Ça fera du boulot pour les « assistance sociales » et les psy… avec nos impôts bien sûr !

A mon avis il est incurable « le Jas »,


Kangourou :
Et il conduit en plus ?!!

Ben :

Ah bon il avait déjà été condamné pour conduite en état d'ivresse et il remet ça ! Ça fera du boulot pour les « assistance sociales » et les psy… avec nos impôts bien sûr !

A mon avis il est incurable « le Jas ».

... 

C'est vrai j'étais noir comme du cirage, je me souviens, le poste, le flic qui me fait souffler, deux grammes qu'il me dit et moi deux grammes de quoi et lui d'alcool le Jas, t'as fait fort aujourd'hui. T'as failli nous écrabouiller en plus. T'es un danger public ! C'est le verre qui fait déborder le vase. Allez tu passes la nuit là et demain le tribunal… J'en ai marre, j'y vais, j'suis trop seul. Je me chope une grosse déprime. Si ça continue je me tire une balle. Faut que j'y aille.

Jas, eh Jas! Tu vas te remettre à picoler ? Tu leur as promis que c'était fini. Juré craché. T'as juré sur la tête de ta mère. C'est la mienne, j'y tiens.

(Ça suffit, on verra la suite demain)

Meu non maman. Qu'est ce que tu crois ? Je vais pas re-boire. Juste un verre de Perrier, c'est tout. Mais faut que je vois du monde, ça fait une semaine que je tourne en rond dans ce foutu cagibi HLM . Je tourne et j'arrête pas de gamberger. Ça galope à deux cent à l'heure sous mon crâne, maman.
J'en peux plus de te parler. T'es morte maman, ta tête tu t'en fous, elle te sert à rien depuis déjà longtemps mais tu squattes toujours ma cervelle, t'occupes mes neurones en permanence, j'en ai assez ! T'es juste une voix que j'entretiens comme un feu pa'ce que tu me manques maman, pa'ce qu’il me manquera toujours une maman. Mais j'en ai marre maintenant de vivre avec ta voix sous le capot qu'arrête pas de me rabaisser sans arrêt.
Déjà quand j'étais petit tu pouvais pas t'empêcher de te moquer de mon nez de perroquet comme tu disais et tu rajoutais : si seulement t'avais un nez d'aigle mais non, t'as choisi un nez d'oiseau tordu mon gars.
Et puis à l'école primaire quand la maîtresse elle t'a convoquée pa'ce que j'étais le souffre douleur de tous mes copains et même de… de … comment il s'appelait déjà çui là ? Comment on l'appelait… Rachtek ! Ouais Rachtek un polonais pas plus épais qu'une feuille de papier eh bien même lui m'emmerdait maman. Ils me tapaient à la récré, ils me piquaient mon quatre heure !
Puis toi quand enfin t'es allée voir la maîtresse après que t'aies été convoquée dix fois, quand enfin t'es allée voir, sinon on te sucrait les alloc, après que t'aies vu la maîtresse, qu'est ce que t'as fait maman, hein… qu'est ce que t'as fait ? Tu t'es foutue de ma gueule, moi ton fils ! Soi-disant que j'étais même pas capable de me faire respecter par des morveux.
Et quand je me suis rebiffé , que je t'ai rétorqué : mais une maman ça doit aimer ses enfants non ? Moi je t'aime ma maman. T'as éclaté de rire , tu m'as balancé une torgnole et t'as rajouté : t'es bien le fils de ton père ! T'as vu comment t'es fichu, tout maig', une bourrasque et fft, tu fiches le camp avec les feuilles mortes… son portrait tout craché ! J'peux pas t'aimer, ton père m'a baisée sans mon consentement et t'es arrivé sans mon consentement aussi, j'peux pas t'aimer. T'es mon boulet , la mémoire sur deux jambes de cet épisode là. Je peux pas t'aimer Jas. A peine te supporter...
Alors là, maman j'ai compris que j'étais tout seul et plus seul que seul, plus orphelin qu'orphelin pa'ce que moi, j'avais une mère identifiée mais c'est comme si j'en avais pas. Je pouvais même pas rêver d'une mère, j'en avais une en chair et en os, j'pouvais même pas dire que j'étais sans parent. Alors j'ai réalisé que j'étais pire que seul, que j'étais même pas abandonné, j'étais pas aimé, même pas par une maman !

Je t'ai dit ça moi ? Oh oh j'y suis allée un peu fort ce jour là mince. Mais bof ça t'a fait la couenne, hein Jas.

T'étais déjà gorgée de pinard à dix heures du mat. Ce jour là j'étais un paria, je suis un exilé de ton cœur. J'ai appris à compter sur personne et j'ai commencé à aigrir comme une bouteille trop longtemps ouverte à l'air, j'ai commencé à aigrir bien avant l'âge et comme je suis plutôt gringalet je me suis vengé en douce maman. J'ai foutu le bronx dans ma vie rien que pour t'emmerder maman. Tu te souviens du jour où j'ai jeté une pierre dans le pare-brise de la prof de français pa'ce qu'elle m'avait mis un zéro en orthographe. C'était en sixième, devant les yeux du dirlo. Exprès pour te faire convoquer, exprès pour me faire renvoyer…

Et puis merde, disparais maman, fous le camp de ma tête, fous moi la paix une bonne fois pour toute… J'en ai marre, faut que j'y aille, suis trop seul. Là bas au moins y aura les piliers de boisson, les frères de la beuverie, les copains du 51ème degré, les vrais ivrognes qui rigolent grave et gras, gras comme leur cheveux, sales comme les verres chez le Rital, cramés comme après un incendie, sauf que là c'est l'alcool qu'a fait la razzia…
Bin voilà j'y suis… l'a jamais ravalé sa façade le Matteo, toujours la trace des balles de quarante cinq... cinquante ans… qu'est ce que je dis : 2015 – 1945, soixante dix ans après... l'a jamais refait la façade, son père est mort, il a repris l'affaire sans rien changé le bougre. Tu parles d'une bagatelle. Ici on sort de l'espace temps, Jasmin. L'alcool ça conserve, y a pas à dire. Ça conserve les délabrés ouais . Puis la porte, quelle misère… Et si je jetais un œil par la fenêtre avant de rentrer... Eh bin c'est toujours aussi dégueu à l'intérieur et les chaises braillent toujours après la retraite… et les tables de bistrot… en marbre mais y a très longtemps. Maintenant on voit même plus les nervures de la pierre tellement c'est crade là dessus… bof l'alcool ça conserve. Tiens le Rital, et le Bib... toujours au comptoir le Bib, la seule chose qui compte pour lui… Quelle gifle, ça me fait presque chialer de les voir là... Ah le Bib quelle star, un vrai gitan… mais un gitan défroqué, un naufragé lui aussi, il voulait pas faire la ferraille alors il s'est barré...faut que j'y aille… les copains j'ai que vous dans ma vie, deux ou trois siroteurs de mort lente, maigres comme des stock fishes et toujours assoiffés mais toujours rigolards quand ils ont la dose... et puis j'ai froid au cœur... allez basta...

Jasmin ! Bin dis donc ça fait une peille qu'on t'a pas vu ici mon vieux ! Où t'étais passé ? On a cru que t'étais mort depuis le temps. Penses tu, un verre d'eau cul sec ! Ça a fait rire tout le monde, pas vrai le Bib ?… Eh, tu l'as gagné ton pari mais t'étais tellement bourré qu'on a pas pu t'offrir le prix de ton exploit… Content de te revoir l'ami, pas vrai le Bib ? Le Bib, il fait déjà la sieste, l'est allé se vautrer dans les bras de Morphée, il s'est bourré au pastaga le con ! Sec. Allez jasmin un jaune, c'est ma tournée.

Non pas aujourd'hui, je fais que passer.

D'où tu sors Jas ? T'as une mine de déterré. Ils t'ont coincé les keufs la dernière fois ?

Ouais et j'en ai pris pour quatre mois. J'en sors. Ça fait une semaine. Putain, une semaine que je tourne comme une bête sauvage dans ce trou.

Allez Jas, à ta santé. Ça va te monter le moral... jusqu' à deux grammes, ah ah !

Non le rital, j'ai arrêté de picoler en taule, je veux pas recommencer.

Allez jasmin fais pas tant de manière, prends, le verre te tend les bras, je te le mets à coté de toi, il te tiendra compagnie... Tiens le Bib qui se réveille... Alors le Bib tu reviens à nous ? Regarde qui est là...

Oh Jas ! Putain ça fait un éternité qu'on t'avait pas vu par ici. Ils t'ont serré ? Oh putain ça fait plaisir Jas de te voir... raconte... Putain... j'ai un peu les cheveux crépus non ? Ah ah... J'ai chopé la pépie . Allez tu nous raconteras en trinquant, Jas. Le rital une momie pour moi... et toi Jas, la même chose ?

Non je bois plus le Bib c'est justement ce que je disais au Rital avant que t'émerges mec.

Tu veux pas trinquer Jas ? Tu fais la gueule, t'es fâché ?

Non, non pas du tout ! J'ai arrêté en taule... Je veux pas reprendre et puis j'ai pas une tune pour remettre ça, je tourne comme une bourrique dans mon cagibi à la cité... alors suis venu faire tour... vous voir... mais pas pour la bibine...

Tu t'es fait arrêté et t'as arrêté, c'est ça ? Et maintenant tu nous regardes de haut, tu veux plus trinquer avec nous, ne me dis pas ça, Jas. On en a fait des coups et on en a bu aussi... un paquet de litres de lait de tigre ensemble. Si tu trinques pas après si longtemps, c'est qu'on est plus assez bien pour toi maintenant... 

Mais non Bib putain, c'est pas ça merde ! T'as rien compris... J'ai arrêté de boire mais je vous fais pas la gueule, je vous bêche pas les copains... J'suis content au contraire de vous voir ! Vous pouvez pas savoir... Au contraire... Te fâche pas le Bib... j'ai vu personne pendant une semaine... et la meilleure bibine que je puisse avaler, c'est votre amitié les gars...

Ah j'savais bien ! Allez un petit verre pour l'amitié, tu peux pas refuser Jas. Oh mais t'as la mine d'un déterré ! Allez viens, on va te re-quinquer tu vas voir !

Sûr, si je vous suis je vais en voir défiler des jaunes et des pas mûres... mais je verrai pas tout, ça sera vite quai des brumes dans ma cervelle...

Allez Jas

Allez Jas, le rital et moi on est tes copains pas vrai... On sait ce qu'il te faut pour te remettre droit, t'inquiète on s'occupe de tout... Et puis je viens de toucher le RSA, j'ai de la tune pour deux, Jas...

T'occupe Jas, le Rital sait reconnaître ses potes, tu me paieras quand t'auras de quoi. En attendant trinque... ton verre Jas. A l'amitié bien trempée, le jaune ça conserve tout, ah ah. Puis entre nous faut se serrer les coudes, pas de femme, pas de gosses, plus de parents, on est libre !

Allez d'accord, je lève un verre à l'amitié... je trinque avec vous, mes seuls potes... un verre hein, un seul.... A la vôtre !... Ah ça réchauffe le cœur, y a pas à dire !... Au fait en parlant de femmes les potes, et la Reine Blanche qu'est ce qu'elle devient ?

Qu'est ce que je disais le Jas, à peine sorti et déjà le nez dans le verre...

Tais toi, maman, ferme là !

T'entends toujours la voix de ta mère ?

Ouais des fois, tu sais en taule... puis tout seul dans mon cagibi de la cité... alors j'ai laissé sa voix me courir sur le haricot et maintenant elle me lâche plus... mais bon elle tient pas l'alcool alors...

Ah ah le Jas on est tous aussi cramé que toi, pas vrai le Bib ?

Et la reine blanche elle est plus là ?

Bin ça fait quelque temps qu'elle vient plus, mais tu sais, elle, elle est pas très assidue. Un coup elle vient, un coup elle vient pas, son truc, c'est plutôt la Blanche, d'où son nom.

N'empêche elle est encore bien foutue malgré tout. Moi je l'aime bien la Reine Blanche, puis quand elle fait son mélange bibine et blanche elle dégomme la meuf !

Bien foutue tu trouves Jas ? Y a quelques années quand elle est arrivée oui, mais maintenant elle a bien roulé et puis sa came l'a pas arrangée pas vrai le Bib ?

Allez c'est ma tournée, on peut pas parler le verre vide ! Fais moi une ardoise le Rital

Ah le Jas on te reconnaît bien là...

Tu serais pas un peu en manque d'amour Jas, tu vois ce que je veux dire ? Elle t'a à la bonne la Reine... Si elle est shootée elle te refusera pas un peu de son corps pour une nuit... Tu sais, dans une heure ou deux elle devrait zoner du coté de chez les junkies...

Allez remets nous ça et fais moi cette ardoise, je te paierai bientôt.


...

Putain quelle nuit, j'ai perdu l'habitude...ce que je suis mal, j'avais pas besoin de ça !...

Qu'est ce que je disais hein, il a fallu que tu recommences, t'as pas pu t'en empêcher... chasse le naturel et il revient au galop...

Tu peux pas me foutre la paix maman, juste un peu. T'en profites pa'ce que j'suis affaibli, c'est ça, hein c'est ça maman ? J'ai le crâne dans un état...et de la pâte à modeler plein la langue, en plus j'ai renvie de boire... Ça me fout le moral dans ce qu'il me reste de fil aux chaussettes... Et toi tu m'assassines par derrière, suis vraiment qu'un c... c'est quoi ce boucan dans la cuisine, y a quelqu'un ?

Y a rien à becqueter chez toi, rien à boire non plus. T'es un nul Jas. Je te prête mon cul, tout juste si t'as su me faire balbutier un p'tit peu de contentement, j'te parle pas de jouir et toi t'es même pas foutu de m'alimenter, allez Jas grouille toi, tu pourrais aller chercher quelque chose à picoler, c'est déjà 14 heures et je commence à trembler Jas, il me faut quelque chose pour compenser... Jas, grouille !

J'ai pas un Copec, la reine pas une tune, pas un euro, tu comprends ça , je vis à crédit sur le Rital et le Bib !
Eh bin va leur emprunter quelque chose de buvable, pas votre jaune pisseux qu’il faut immerger dans de l'eau douce : Vodka, whisky, rhum ce serait pas mal ou un truc dans ce genre et un croissant... pour tremper dedans...

En plus tu te payes la junky de service, eh bin la classe fiston ! T'es vraiment pas difficile... en prime tu vas hériter de trucs pas bien si tu baises sans filets.

Tu peux pas arrêter maman, fous moi la paix !

T'as toujours tes voix Jas. Ah ah ta mère te harcèle ? Noie la !... Oh c'est quoi ce machin... eh fous un slibar propre quand même, çui là ça doit bien faire un mois qu'il court après le lave linge, ça se voit et ça se sent ! C'est du gratiné, ah ah ! Mets ce kangourou plutôt il est encore blanc convenable... grouille, la tremblotte me gagne... quel chantier ici... je marche sur les poubelles, carrément. Faut déblayer un peu.... grouille, grouille Jas, ça vient, ça vient !

Ouais ouais...

Manquait plus que la Reine, je m'envoie la Reine Blanche...elle s'incruste en plus...

Bravo, t'as gagné... tu voulais voir des potes pour qu'ils te dorlotent, tu les as vus, hein Jas, ah ah les potes de comptoir... Quelle biture, je boirai plus tu disais... juré-craché-j'ai promis !

Lâche moi maman tu vois pas que je suis au bord du gouffre ?... C'est quoi ces deux vélos ? On est rentré comment la Reine et moi ? On a dû emprunter ces machins… Hé la Reine faudra ramener ton vélo là où tu l'as pris. Moi je vais rendre le mien… Quelle vie putain, quelle vie, je picole comme un gouffre je suis infoutu de tenir une promesse...

Quand j'étais môme je rêvais d'une petite vie bien tranquille avec un petit boulot comme postier ou plombier, tu vois, avec une femme et des enfants qui m'aimeraient. Une vie toute simple. On aurait eu un petit jardin autour d'une petite maison sympa et j'aurai mis des rosiers, j'adore les roses, et des salades aussi, des tomates et des patates pour l'hiver. Mais pour ça il aurait fallu que j'ai autre chose comme instruction et comme parents. Moi j'ai suivi les rails de la famille. Toi maman t'as été la locomotive. Des papas y en a eu. Pas un n'est resté, les copains pareils. Les seuls avec qui j'ai accroché ce sont les éclopées du bar à Rital. Entre mutilés de la vie on se comprend et on boit pareil. J'ai passé les concours et j'ai été reçu souvent premier à « qui boira le plus de mètres de pastaga sans tomber ». Les filles pareil on s'entichait des quelques unes qui se tenaient au comptoir à cause des tempêtes qui sévissaient sur le trottoir. Y en avait pas beaucoup. Moi c'est la Reine quand elle est défoncée et que je suis cuit complet. Quelle vie ! Conduire complètement bourré, se faire arrêter par les keufs, puis conduire sans permis se refaire arrêter par les keufs et finir en taule pour 2 grammes d'alcool dans le sang…et encore j'ai dû faire mieux l'autre jour. Maman, je suis trop con, faudrait qu'un lion me saute dessus et paf d'un coup de patte, à la trappe le Jas mais je suis sûr que le lion voudrait pas de cette viande jaunie par le pastis. C'est bien ce que t'allait sortir hein maman ?
Emprunter une bouteille de whisky au Rital, un copain, avec l'ardoise que j'ai chez lui. Et un croissant en plus, pareil la boulangère elle veut plus me voir tant que j'aurais pas payé les deux baguettes de vendredi… J'ai pas un radis…. Pas fichu seulement de remplir les paperasses pour toucher le RSA… et je me soûle gratos chez les potes, j'ai plus rien à bouffer, je loge la Reine maintenant et maman n'arrête pas de foutre le bronx dans la demeure, ça fait un joli bouquet de roses ça et puis ce vélo que je trimballe, d'où il sort ? Je vais pas le pousser comme ça et je suis bien incapable de tenir en équilibre dessus… Tiens allez je te laisse contre l'arbre, vélo. Tchao. Si tu restes avec moi tu vas avoir des histoires à n'en plus finir, vaut mieux qu'on se sépare… puis suis arrivé chez le Rital tu vois et à partir de cette porte on rentre dans un autre monde, je réponds pas de ce qui va se passer au-delà. Ça te fait marrer maman ? Toi tu sais hein les risques qu'on prend quand on franchit le seuil d'un bistrot, t'as une longue expérience, la mienne est pas mal non plus. C'est pour ça, vélo, il vaut mieux qu'on se quitte ici. On se connaît plus. T'es pas trop mal pour un vélo tu te feras adopter facile… Emprunter encore une bouteille au Rital pour la boire en solo avec la Reine sans partager avec les potos, il va pas être content le Rital. D'habitude, nous, on boit en famille en quelque sorte, ça sort pas de chez lui, on a pas l'impression de squatter, c'est comme un repas entre pots à part que là on mange pas. C'est pas pareil que lui demander une bouteille et se casser avec… J'ai honte… il sera vexé le Rital… et le Bib il a pas hésité à mutualiser son RSA avec moi et moi, pour le remercier j'lui dis : non Bib aujourd'hui je bois pas là avec toi je pars m'arsouiller avec la Reine ... que tous les deux… t'es pas invité non plus… Pas class du tout Jas. Tu peux pas faire ça… Mes potes. Je peux pas leur faire ça. En plus d'être alcolo, voleur, bon à rien, j'serai un traître ? J'peux pas non décidément…




Les concierges du Net



Ben :

Sans jouer les voyantes, on sait comment ça va finir mais c'est dommage je le trouve plutôt sympa « le Jas »… sauf au volant !!



Cravate bleue :



T'as raison Ben ! Retour au point zéro de l'existence !



Anonymous :



Suicide social, Cravate bleue. Il cherche à se faire arrêter.


Bin qu'est ce que tu fous là, Jas devant la porte à tourner et bader sans rien voir, t'as l'air soucieux, qu'est ce qu'il t'arrive encore ? Rentre !

Non, non faut que j'aille faire une course d'abord le Rital. Tu diras bonjour au Bib pour moi. Je repasse… bon faut que j'essaie de trouver un peu de fric. Je retourne à la banque.

Tu sais bien qu'elle t'a déjà remballé la Perrain l'autre jour. Pourquoi tu voudrais qu'elle te fasse crédit aujourd'hui ? Pour tes beaux yeux ? Ah ah ils sont moches tes yeux, tout pochés, avec des valises grandes ouvertes… ils sont usés par tes voyages en enfer tes yeux le Jas… T'as aucune chance… à peine arrivé, renvoyé le Jas…

Maman, pourquoi tu me décourages… je pourrai lui demander un billet… elle s'en fout elle… c'est pas les siens... elles me refusera peut être pas aujourd'hui…

Peut-être que l'autre jour elle pouvait pas pa'ce qu'elle avait pas de monnaie hein c'est ça ? Sinon c'aurait été avec plaisir, non ? Y a des fois où j'en reviens pas, t'es vraiment un naïf Jas ! Un vrai naze ! Mais dès qu'ils vont te voir arriver, ils vont te rire au nez et te renvoyer dans tes foyers fiston ! T'as aucune chance, t'entends ? Aucune chance !

Maman, pourquoi tu me décourages sans arrêt ? Voilà maintenant, je sais plus quoi faire… Maman tais-toi, laisse moi une chance maman au lieu de me couper tout le temps l'herbe sous les pieds…

Mais je rêve ! Maintenant c'est moi qui t'empêche de tourner rond, je me tais Jas. Débrouille toi tout seul !

Te vexe pas maman, allez fais pas la gueule ! Je suis sûr que t'as une idée, même que je devine laquelle… Bon je retourne au bar, il me faut du remontant et du cœur à l'ouvrage… Quelques petits verres et je serai fin prêt, prêt à l'action… Hein maman, c'est bien à ça que tu penses toi aussi, maman, maman !


Pas un geste, les mains derrière la tête, c'est un hold-up ! 

Texte, © Joël Carayon