jeudi 17 décembre 2015

Monde nouveau

Je sais une chose, j'écris pour le vent mais pas pour les gens. A chacun ses lecteurs les miens tournent autour de la rose, soufflent sur mes pages, ne lisent que la surface des mots qu'ils couchent dans leur haleine les jours de grande lecture.

Je brame à tous les printemps dans les clairières pas dans mes livres – je n'en ai pas publié ou juste quelques bouts de moi qui coulent de mes lèvres et se répandent sur la page, essaime sur ses nervures et dessinent des arabesques qui n'intéressent personne, je remplis des bouteilles de messages sans adresses et je les lance dans un océan où les vagues obéissent à des respirations mécaniques. Mes blogs y sont des plages sans sable et sur ma Face de book poussent des « j'aime » troqués contre mes « j'aime » sur d'autres plages tout aussi blogue que les miennes.

Un monde nouveau est né qui double ce monde de chair et de terre, rempli d'images et de mouvements. Je n'y ai pas ma place. Mes mots y sont des étrangers, ma voix ne retient plus que l'ombre du ridicule et l'on rit, au mieux on se tait, toujours on se demande quel est cet hurluberlu hurlant dans le silence de son encre des desseins qui n'intéressent personne .

Il y circule un sens, sens écrit sans lecteurs, alors il vaudrait mieux que je ferme ma gueule et que je me contente de marcher sur mes fils de terre entre ciel et mer au pays où tout se mêle, se mélange, les hommes et les anges, les poissons et les animaux, là où l'eau imprègne le sang des hommes, là où il pousse des écailles sur la peau, là où l'on vit immergé entre deux marées : marécages et mare nostrum, là où la terre s’effile et file en neurones filandreux conquérir cette salinité que le soleil révèle dans un blanc ou rien ne pousse que la mort. Silence radio sous soleil radieux et blanc insoutenable.

Pourtant j'ai des choses à vous dire des mots à articuler les uns aux les autres tous à brailler en chants cacophoniques, polyphoniques, à ordonner, discipliner parce qu'il a de l'allure mon orchestre parce que ce qu'il gueule vient du fond des tripes, vit dans la boue de repas indigestes, espoirs déçus, dégoût politique, rupture climatique, tristesse face au carnage de mes amis à plumes dont le vol m'émerveille, poissons qui ne brilleront plus que dans l'océan de ma mémoire, toi mon animal de poil et d'amour parti au pays des meutes, des aboiements nocturnes quand la lune ronde bouffe tout son ciel, toutes ces vies perdues, ces forêts qui ne me parlent plus, mes fils coupés et ma vie d'homme dont les prolongements m'inquiète parce que demain...

Demain cette enfant que j'ai faite et son enfant que je berce plongent leurs yeux dans les miens y posent leur confiance et moi je ne peux que baisser mon regard et murmurer dieu auquel je ne crois pas fais que le pire ne soit pas leur quotidien.