Je
sais une chose, j'écris pour le vent mais pas pour les gens. A chacun
ses lecteurs les miens tournent autour de la rose, soufflent sur mes
pages, ne lisent que la surface des mots qu'ils couchent dans leur
haleine les jours de grande lecture.
Je
brame à tous les printemps dans les clairières pas dans mes livres
– je n'en ai pas publié ou juste quelques bouts de moi qui coulent
de mes lèvres et se répandent sur la page, essaime sur ses nervures
et dessinent des arabesques qui n'intéressent personne, je remplis
des bouteilles de messages sans adresses et je les lance dans un
océan où les vagues obéissent à des respirations mécaniques. Mes
blogs y sont des plages sans sable et sur ma Face de book poussent
des « j'aime » troqués contre mes « j'aime »
sur d'autres plages tout aussi blogue que les miennes.
Un
monde nouveau est né qui double ce monde de chair et de terre,
rempli d'images et de mouvements. Je n'y ai pas ma place. Mes mots y
sont des étrangers, ma voix ne retient plus que l'ombre du ridicule
et l'on rit, au mieux on se tait, toujours on se demande quel est cet
hurluberlu hurlant dans le silence de son encre des desseins qui
n'intéressent personne .
Il
y circule un sens, sens écrit sans lecteurs, alors il vaudrait mieux
que je ferme ma gueule et que je me contente de marcher sur mes fils
de terre entre ciel et mer au pays où tout se mêle, se mélange,
les hommes et les anges, les poissons et les animaux, là où l'eau
imprègne le sang des hommes, là où il pousse des écailles sur la
peau, là où l'on vit immergé entre deux marées : marécages
et mare nostrum, là où la terre s’effile et file en neurones
filandreux conquérir cette salinité que le soleil révèle dans un
blanc ou rien ne pousse que la mort. Silence radio sous soleil
radieux et blanc insoutenable.
Pourtant
j'ai des choses à vous dire des mots à articuler les uns aux les
autres tous à brailler en chants cacophoniques, polyphoniques, à
ordonner, discipliner parce qu'il a de l'allure mon orchestre parce
que ce qu'il gueule vient du fond des tripes, vit dans la boue de
repas indigestes, espoirs déçus, dégoût politique, rupture
climatique, tristesse face au carnage de mes amis à plumes dont le
vol m'émerveille, poissons qui ne brilleront plus que dans l'océan
de ma mémoire, toi mon animal de poil et d'amour parti au pays des
meutes, des aboiements nocturnes quand la lune ronde bouffe tout son
ciel, toutes ces vies perdues, ces forêts qui ne me parlent plus, mes
fils coupés et ma vie d'homme dont les prolongements m'inquiète
parce que demain...
Demain
cette enfant que j'ai faite et son enfant que je berce plongent leurs
yeux dans les miens y posent leur confiance et moi je ne peux que
baisser mon regard et murmurer dieu auquel je ne crois pas fais que
le pire ne soit pas leur quotidien.