Peut-être
existe-t-il un tiers au delà mais pas de l'espèce que nous
décrivent toutes les prophéties. Dieu ne nous a rien fait
directement mais ses églises, ses sectes et tous ceux qui se
prétendent élus avec ou sans barbe ont fait preuve d'une grande
créativité pour nous maintenir le bec dans l'eau, l'au delà bien
sûr. Et les prophètes sont à la religion ce que les grands
cuisiniers sont à nos petits plats.
Que
dire de nos chevaliers de robe politique qui brandissent leur bla bla
bla comme des armes, aguichent les troupeaux moutonneux que nous
sommes à coups d’œillades sécuritaires et plus on parle de nous
protéger et plus ça me fait peur et plus j'ai mal au cœur. Nos
guignols gesticulent, crient aux scandales, déversent leur flots de
haine personnelle. Religieux, politiques même combat dirait-on.
"Mon
petit, faut qu'ils vivent" répondra La Voix qui résonne sous mon
capot. Elle en a de bonnes. A sa décharge elle instille une grande
dose de cynisme dans le fond de ses remarques. Reconnaissons le, il
doit bien avoir des purs sous les soutanes, quelques doux dingues aux
convictions sincères dans les temples de prière ou les fabriques de
nos idées, idéaux démocratiques. On les entends bien mal et la
sagesse d'ici bas ou d'en haut se dissout dans les professions de
mauvaises fois. Ça couvre à grands cris leur petites voix.
Je
ne communierai pas avec les braillards. Tous ont tellement de sang
sur leurs prières. Aujourd'hui pas plus que demain et pas moins
qu'hier, nous partagerons notre pain quotidien sans calcul, sans
aucune équation qui viserait l'égalité entre ce que nous donnons
et ce que nous recevrons dans la nébuleuse d'une après vie, pas
après mort non, après vie parce que la vie est et ça suffit.
Aujourd'hui
bien plus qu'hier encore, allez donc savoir pourquoi, partir en
croisade armé de la volonté indéfectible de jouir. Saluer la vie
encore et encore, se laisser pénétrer de ses courants d'air, la
laisser introduire en nous la douceur d'une gorgée de café au
réveil, marcher dans nos villes, nos campagnes sans crier aux armes
citoyens, célébrer le ciel et la mer tous les jours face tournée
vers l'est le matin et l'ouest au couchant. Aimer le calme et son
silence, guetter la musicalité du quotidien dans la chanson du tram,
le ronronnement du matin, contempler, aimer, vénérer la danse de
l'ordinaire pour en extraire l'essence unique. Pourquoi la légèreté
de l'être ne se goûte jamais autant que sous la menace ?
Être riche de ce
que le jour
nous donne,
riche désespérément, riche de sa vigueur parce que nous
connaissons
trop la
fragilité, la précarité de ce qu'elle construit, qu'elle arrache
au néant qu'elle bâtit sur le chaos. Nous
marcherons
seuls
dans nos
rues, nos
chemins, la tête en l'air, l'esprit aux aguets prêt à s'ouvrir au
moindre chant d'oiseau, au moindre frôlement d'une robe, à ta
moindre caresse ma compagne, mon amie si chère, à ton premier
gazouillis de bébé ma petite fille, à ton sourire de maman, ma
fille, vous tous qui partagez le quotidien de nos
pensées et toi aussi
qui promène
ta canne et ton gobelet à chaque feu rouge, mendiant soupçonnable
ou toi encore dont nous
croiserons
le regard, toi qui
nous sortira
de l'anonymat
par un
bonjour, un vrai avec les
yeux dans les
yeux.
Nous
marcherons,
nous nous
exposerons à
vos éclats de rire, à la mitraille de vos printemps, nous
exploserons
de joie avec l'urgence de celui qui se sait mortel.
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