Quand
on me surprenait dans ce dialogue avec moi même, étrange pour le
passant dont l'oreille traîne dans les parages, j'avais honte et je
rentrais ma voix dans mes pensées. Maintenant je me suis aperçu des
avantages de l'avancée dans l'âge, je parle à haute voix, pour
elle et pour moi-même également, tout seul ou pas. Je « répapi »
comme dirait Mô-mon-amie-celle-que-j'aime-et-qui-me-sourit, ce qui
signifie : « il radote, c'est l'âge ». Mes proches
ironisent, me taquinent avec plus ou moins d'affection, ça dépend
de leur âge.
Moi
je continue à parler tout seul, de plus en plus d'ailleurs et sans
aucune retenue maintenant. Le nombre important des années que
j'accumule m'y autorise. J'ai des excuses. Je parle tout seul et
j'aime entendre ma voix résonner en mon fort intérieur, lorsqu'elle
remplit ma gorge de ses sons jusqu'en haut de mes poumons. Je suis
en vie. Je pleure, je ris, je ricane sur mes cordes vocales. Je vibre
en contrebas de cette petite clochette suspendue au milieu du palais
qui doit s'agiter violemment quand je crie ou que je suis en colère
et qu'on appelle d'un joli nom je trouve, luette, petite grappe
suspendue que je rince abondamment du jus d'un raisin fermenté
appelé vin (rouge de préférence et du cru local bien entendu).
Je
disais, j'aime m'entendre parler tout seul au fond de moi-même d'une
voix qui remplit discrètement l'air de la pièce mais vit
peureusement cachée dans cette caisse de chair que je lui loue bien
volontiers, ma « cage thoracique ». Cage ne me plaît
pas. Elle n'est pas prisonnière du tout et s'envole quand elle le
veut, libre comme l'air que je respire, et qui l'anime aussi il faut bien
le dire.
Nous
cohabitons en bonne harmonie. Elle vit en moi, se nourrit de moi. Ma
voix, ma ? Je ne sais pas. Suis-je son propriétaire ? Si
je pense « cette voix », si je lui laisse faire sa vie,
elle s'attache. Que pourrait-elle faire sans moi, sa corporéité.
Comment pourrait-elle s'épanouir. Elle m'appartient comme je lui
appartiens. Deux en un corps. Ma voix claire ou rauque avec ou sans
la rudesse du froid, la rouille d'hiver, le passage d'alcool, de
colère, de l'amour ou de l'âge sur ses cordes...
Suite
Elle
n 'a pas toujours bien porté mes paroles. Jeune voix coincée
entre l'enfant et l'adulte, hésitante dans ses intonations. Entre
exclamations enthousiastes et interrogations inquiètes il fallait
qu'elle se place. Le pouvait-elle. Moment délicat où la fenêtre
est étroite et se faire entendre si difficile.
Deux mondes se séparent, l'appel irrésistible des sons d'une ère nouvelle, ses mots et la musique d'un rock tout jeune qui se cherchent avec elle.. Ouverture sur un avenir radieux et déjà les blessures qui l'éraillent. Cohabitation incertaine. Voix du jeune âge, voix de lycée. Dans son logement, mon larynx, déjà les entailles d'un passé que le présent ravive.
Premiers voyages en terre d'adolescence où elle et moi nous nous sommes mêlés à d'autres voix contemporaines. Premières fêtes aussi belles qu'un jour de Noël. Musique d'un accordéon déjà usé ignorant encore qu'il allait en mourir.
Les premières intonations féminines et leur corps qui nous attirent, première danse, première taille que l'on serre, le parfum, la chevelure épaisse où l'on se niche le temps d'une chanson.
Gestes maladroits et ma voix n'est pas là pour porter les mots qu'il faut, je ne les connais pas. Qui me les aurait appris ? Peu importe. Premier, premier premier un seul mot pour tout dire.
Musique et filles, le rock, la pop, les filles, toujours les filles, les études un peu. Ma voix s'est affirmée doucement, a trouvé son timbre et le corps qui l'abrite se stabilise.
Un jour elle a parlé, et nous avons accosté la voix et le corps de femme. Paroles terribles, mots qui marquent au fer rouge, ma voix brûle crie en sa demeure mais mon corps ne portera pas cette parole venue de ses entrailles...
Deux mondes se séparent, l'appel irrésistible des sons d'une ère nouvelle, ses mots et la musique d'un rock tout jeune qui se cherchent avec elle.. Ouverture sur un avenir radieux et déjà les blessures qui l'éraillent. Cohabitation incertaine. Voix du jeune âge, voix de lycée. Dans son logement, mon larynx, déjà les entailles d'un passé que le présent ravive.
Premiers voyages en terre d'adolescence où elle et moi nous nous sommes mêlés à d'autres voix contemporaines. Premières fêtes aussi belles qu'un jour de Noël. Musique d'un accordéon déjà usé ignorant encore qu'il allait en mourir.
Les premières intonations féminines et leur corps qui nous attirent, première danse, première taille que l'on serre, le parfum, la chevelure épaisse où l'on se niche le temps d'une chanson.
Gestes maladroits et ma voix n'est pas là pour porter les mots qu'il faut, je ne les connais pas. Qui me les aurait appris ? Peu importe. Premier, premier premier un seul mot pour tout dire.
Musique et filles, le rock, la pop, les filles, toujours les filles, les études un peu. Ma voix s'est affirmée doucement, a trouvé son timbre et le corps qui l'abrite se stabilise.
Un jour elle a parlé, et nous avons accosté la voix et le corps de femme. Paroles terribles, mots qui marquent au fer rouge, ma voix brûle crie en sa demeure mais mon corps ne portera pas cette parole venue de ses entrailles...
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