et
pourtant tu te souviens...
les
vagues, les plaintes, les grincements de la coque du bateau...
la
crainte, la peur sur les visages, et pourtant.
Ici
la mer déroule son eau sur des visages tranquilles.
Et
pourtant la traversée avec les grondements bavant d'écumes et le
vent et les voix des marins, les hurlements sur le pont.
Ici
nous sommes enfin de l'autre côté.
Oui
de l'autre côté des choses,
du
bon côté.
Et
pourtant hier nos regards tendus, nos yeux braqués sur le rêve et
sa destination, la mort autour.
Et
là sur la plage, un corps...
un
homme...
comme
nous?
Un
homme comme nous, et différent pourtant . Il dort, vraiment, il
dort.
Je
n'aime plus voir ces corps immobiles ni ces bois qui flottent,
passifs.
Ce
corps est un homme d'ici. Tout à l'heure il va s'animer, il se
lèvera puis s'en ira sans doute, l'esprit libre de nos frayeurs.
Plus
jamais je ne saurai distinguer le sommeil et la mort.
Tu
devrais sourire... pense au pays, aux nôtres sur l'autre rivage.
Nous sommes leurs yeux, nous sommes leur espoir.
Et
pourtant nous voilà libérés d'une peur mais une autre loge dans sa
vacance...
dans
les regards d'ici où je lis la bonté ou la méfiance.