vendredi 6 novembre 2015

Boss



photo Antoine Pennacino
Dans le téléphone du Boss le gratin du monde, sur son envers les gens du bas qui vivent au ras du trottoir. Coté clair le pur qui monte parce qu'il est plus léger que l'air débarrassé des tracas du bas. Coté obscur, l'impur prisonnier de la glaise parce qu'il mange trop de gras. Tout en haut invisible d'en bas tellement c'est haut, les arcanes du Boss.

Toujours la même rengaine. Le veau et son or, comme dirait mon ami Moïse, sont toujours la crème de la crème, font toujours le délices des palais et moi d'ajouter le veau et ses media duo gagnant sur tous les écrans, les images qu'on adore, l'or qui nous rend fou et la fuite en avant parce que derrière il y a quelque chose qui nous court après et ça nous effraie, alors on se réfugie dans l'agenda du boss, notre château fort et lui notre seigneur. Que Dieu et ses vassaux nous protègent, amen. L'avenir de ma planète dans l'annuaire du boss où se logent gratos les z'homs z'importants n'est ce pas. Allô allô, allô ! Mais personne ne répond.

l'univers du boss l'agenda du boss, l'annuaire du boss. Mais boss n'a pas la bouille d'un ange. Il ne sait pas, dit- on qui saccage la planète, moi je dis : il s'en fout dans sa bulle de boss, notre jardinier cultive son pouvoir, se soûle à coups de téléphone, de galas, de cocktails quand d'autres s'essaient à planter tomates et radis, bio s'il vous plaît. Le Boss fait le coq. Le boss s'amène dans sa box à rallonges. Elle a plus de portes que d'habitants, c'est là qu'il vit très loin de la base le boss avec son téléphone et dedans le sort de ma planète… ma petite planète avec ses mers, ses océans, ses yeux bleus.

La box du Boss s'étire dans l'avenue sous les clic et les clac des flash, sous les petits drapeaux des enfants qu'il bise électoralement, les enfants du firmament là haut tout en haut, pas les morveux des boueux qui vivent dans les feux du bas. Et dans les grands meeting tout près des étoiles, il rougit les lèvres des mamans. Le boss est en campagne et soigne son icône. Boss roule sa bosse, Boss bosse pour lui uniquement.

Le sort de ma planète entre tes mains j'ai peur. Et lui de répondre : laisse moi petit, laisse moi tu vois bien que je suis occupé, je n'ai pas le temps aujourd'hui reviens demain... tiens prends. Et l'enfant s'en va, dans sa main la photo du boss en campagne, dans sa main le slogan : pour un monde meilleur demain... et l'enfant sourit : demain ça lui va bien car demain c'est lui.

Mais le boss vend du vent : le souffle de ma chérie planète. L'enfant ne le sait pas. Il a confiance et demain, demain aussi car demain c'est lui... il ne sait pas que pour le boss c'est tout à l'heure, tout de suite,  pour épater la galerie, demain une promesse qui ne coûte rien, demain est une litanie, une formule magique sans lendemain mais l'enfant n'est pas dans l'agenda du boss pas plus que le monde et pas plus que le climat.

Le boss serre des mains et encore des mains, bizoute à tous crins pendant que l'on mazoute les mers pendant que l'on particule l'air, pendant qu'on se chauffe au carbone et l'enfant et demain main dans la main gambadent dans le vaste monde. Soudain ils s'arrêtent :

oh!

Là devant, dans ce futur qui nous est proche, se transforme en présent, le boss cabosse le monde et l'enfant crie :

Boss boss pourquoi tu casses ma planète.

Mais c'est pour ton bien, pour demain et pour toi mon enfant . Il faut lui apprendre à vivre, il faut lui apprendre qui est le boss sinon elle n'en fait qu'à sa tête. Tu cries, tu m'accuses mais mon petit je n'y suis pour rien, je suis moi-même étonné. Il faut bien vivre, il faut bien que les hommes vivent, mon enfant. Tu es trop jeune pour comprendre. Va jouer aux billes puis reviens quand tu seras grand...

L'enfant a grandi nourri aux mamelles du monde, bercé par les chants du Boss des media. Il contemple l’œuvre du grand homme... Le Grand Œuvre... Il s'est rangé, il a tranché...il s'est trempé dans le bain du boss.

Et demain reste là sur le bord du monde, bien triste, bien seul aussi sans l'enfant qui lui tient la main et demain, demain s'éteint tout doucement dans l'éclair d'un matin...

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