La peau remplie d'un vent qui la
ride s'enfle d'écritures minuscules et mes rêves s'y perdent comme
mes pas.
C'est la faute du laboureur !
Il y plante le soc de sa charrue.
Méticuleusement il en fouille et retourne les moindres recoins.
Cette peau qui me protège se
fatigue à renaître sans cesse griffée, ouverte, offerte à toute
intempérie, se désole s'excuse de m'exposer à l'infatigable
comptable des heures.
Je voudrais bien l'aider (il en
va de ma vie) chasser d'un revers de la main la minute qui bourdonne
à mon oreille, me pique et boit ma mémoire.
Que voulez-vous que je fasse ?
Je souris et il compte décompte
les histoires d'amour et les malheurs aussi, mais j'ai moins de peine
pour eux.
Bientôt les enfants de mes
enfants pousseront, se rapprocheront de mon soleil jusqu'à me faire
de l'ombre.
Approchez, approchez, vous qui me
prolongez. Approchez,
buvez mon sang disait-il.
Mais je serai moins théâtral
que lui.
Buvez mes histoires, mes secondes
mes minutes, le moulin qui tourne dans mes veines, mes chansons, mes
courses à bicyclette, en patins à roulettes.
Lapez l'enfant que je fus,
la blancheur du premier sein que
mes yeux ont vu, le parfum de sa peau, vierge de toute écriture.
Mais déjà s'inscrivait le
passage de mes doigts légers comme un souffle, pour ne pas détruire
un rêve aussi fragile ;
son goût sur mes lèvres.
Labour de printemps.
Buvez buvez enfants à la source
de mes souvenirs.
Je vous montrerai les trésors
cachés qu'il n' a pas tranchés ni retournés de son soc.
Ma peau se couvre des vaguelettes
de ce temps qui m'a été compté décompté poussées par un tic tac
régulier.
Buvez buvez enfants, c'est la
faute du laboureur,
il sème votre vie au fond de mon
sillon.
© texte propriété Joel Carayon
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