Gamberger dos tourné aux
ruelles. Envier leur soleil. Errer sur des rives d'asphalte,
quémander au seuil de leurs vitrines un peu de tendresse, admirer le
bonheur des autres et baisser la tête.
Mes larmes, tu sais. L'aigreur
qui remonte sur la langue, l'aigreur avant la colère, la colère
avant l'impuissance. Serrer les lèvres, les lèvres et les poings,
retenir son cri, se retenir : « et moi alors, et moi ! ».
Un regard messieurs mesdames, un regard une main, un sourire,
pourquoi pas un sourire pourquoi pas. Me sentir opaque une fois au
moins. Mais y en a pas. Pas pour moi, pas . Pas dans ma
gamelle,messieurs et mesdames.
Qu'est ce que ça coûterait, un
gramme de chaleur pour me faire rêver que j'habite dans
le même monde que toi, le
monde avec toi mais pas contre. Qu'est ce que ça coûterait de
parler d'homme à homme, simplement messieurs dames, comme « il
fait beau, ça va, au revoir, bonjour », comme « merci ».
Le matin s'éveiller et
banalement sauter de son lit. Sauter, déjà sauter et puis marcher,
déjà marcher, à la vitesse du pas des autres, ne pas être
englouti par l'effort à faire.
Préparer son café, déjà lever
son bras, sans en payer le châtiment. En sentir l'arôme, déjà en
sentir l'arôme. Ça voudrait dire je l'ai fait, et il est là dans
ma tasse, déjà la tasse à porter aux lèvres , ça voudrait dire
sans la renverser, déjà commander à ma main, serrer les doigts,
porter jusqu'aux lèvres, sans trop trembler, déjà ne pas trembler.
Allumer sa radio, entendre déjà
entendre, suffisamment entendre les voix d'à coté, la vie des
autres là, à cœur battant, déjà la vie de mes proches à cœur
battant.
Exister, déjà exister sans
mendier son écot d'humanité.
Être humblement un homme.
Texte, © Joël Carayon
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