C'est
mal dans ma tête comme dans un tambour. Que dis-je, des tambours,
bours du Bronx. Ils bourrent mes synapses de bruits qui courent,
courent de neurones en neurones. Panique
et mon cerveau au
bord
du burn
out.
Mon mal se déplace, je le traque, mon mal qui enfle et contracte mes
pensées dans un champ d'une gravité si intense qu'elles
s'agglutinent les unes aux
autres jusqu'à former un noyau dur comme des principes.
L'expert :
-
Principe du trou noir. L'idée tourne sur elle même si vite qu'elle
aspire toutes celles qu'elle rencontre dans sa danse de derviche.
Elle les compacte, les condense jusqu'à la tumeur maligne, sa
masse devient si lourde, son espace d'influence si large qu'elle
emprisonne toute tentative lumineuse dans son carcan de logique
sombre. Là où elle gravite, il n'y a plus d'espoir. Le monde
s'enferme dans son propre vertige.
Mon
noyau est donc tumeur, meurtri dans son humeur , cancer au front, au
front de mes idées au front de ma passion, au seuil de ma nation.
Mon cancer, mon quasar absorbe et convertit tout embryon de
dissidence au rythme de mes peurs.
Le
partisan:
-
Les sordides en clique claquent leur langue dans des baisers pervers.
J'ai
embrassé leurs lèvres, j'ai vu, je sens ce mal qui me comprime dans
son étau. Front contre front, prendre ce taureau par ses cornes,
front contre front : je suis toréador dans l'arène.
Le
partisan :
-Mais
dans les gradins un public conquis à la cause du bovin hurle :
« à mort le toréador, à mort ».
César,
où est César, où est sa couronne de lauriers, où est sa paix
romaine ? Grâce César, grâce .
Le
cri de la foule :
-Le
taureau, le taureau, le taureau !
Le
taureau est dans l’arène sous les bravos de la foule, le sable
sous mes pas, moi en habit des Lumières, lui trop de cornes sur son
front pour qu'y vienne une pensée simple, moi bien trop de pensées sombres pour que s'y loge la moindre simplicité.
L'expert :
-
La psychologie du taureau se loge dans le front. Effilée elle est
faite pour enfiler, encorner, étriper, éventrer, éventer du
toréador.
Et
ce soleil... qui me soumet, me force à m'agenouiller face à cet
appareil de combat. Ce soleil sur mon front qui m'aveugle, complice
de la bête noire de robe et noire pour s'interposer entre mes
lumières et moi.
Le
partisan:
-
Un taureau, en robe sombre et crinière blonde qui ruissellerait
d'une force bestiale, un taureau avec cette ondulation de la croupe
dont je ne reconnais pas la virilité ?
C'est
bien lui qui meugle dans des registres de voix bien trop hauts…
avec des yeux bleus… des griffes affûtées sur les chairs qu'on
lui tend ?
Le
partisan :
-lui
ou elle…
L'expert :
-
Blonde femelle de la famille des panthères qui feule sur le sable
des aficionados, exhorte les mains à tourner leur pouce vers le bas.
Qu'importe.
Agiter ma cape, agiter mes idées, les jeter enflammées contre la
bête, les agiter pour qu'elle voit le rouge de leur tenue, rouge que le rouge ou le noir contre son front de lionne.
L'expert
:
-
Le toréador adore les rêves fous avant la corrida et le front bas
s'en retourne au combat armé de son rêve de victoire. Il terrassera
la bête. D'un coup d'épée au front. Ce front qu'on ne voudrait pas
national, retrouvera alors sa place en haut de notre tête et nous
pourrons y reloger nos pensées.