Le radeau de la Méduse, © Photo RMN-Grand Palais - D. Arnaudet |
Il
faut avoir peur, peur de tout. Peur de sa propre peur. Et
j'ai peur de ma peur.
Je
suis peureux comme d'autres sont heureux mais je ne suis heureux
qu'avec mes frères peureux.
J'ai
peur, peur... peur...de, sans rien au bout qui désigne ma peur, rien
derrière le de, peur de ? Eux. Peur d'eux, j'ai peur d'eux !
C'est mieux, beaucoup mieux.
J'ai
peur d'eux !
D'eux
d'où d'ailleurs?
J'ai
peur d'eux qui sont d'ailleurs!
Mon
ventre mes tripes, j'ai la peur au ventre, viscérale. J'ai mal aux
tripes, mal à cause, à cause de ? A cause d'eux ! A cause
d'eux d'ailleurs qui traversent nos flots sur le corps noyé de leurs
aînés.
J'ai
peur d'eux qui rôdent derrière mon ciel bleu, qui triment de
l'autre côté de mon miroir bleu, côte à côte de chaque coté. Et
là bas sur l'autre face leurs voiles noires, et dedans l'envers de
nos vies.
Ils
rôdent sur l'autre bord de ma mer bleue aux îles d'or ensoleillées.
Ils cherchent un passage pour leur rêve, une faille dans ma
vigilance, une once d'apitoiement, le véhicule d'une larme, l'usage
d'une faiblesse.
Eux et nous, face à face, double face.
Texte, © Joël Carayon
Texte, © Joël Carayon