Je joue l'eau, la forêt, je joue
les arbres et les animaux, je joue la fleur que le printemps
ravivera, je joue la douceur de mon climat. Je mise sur la vie et sur
la mort aussi, je joue avec la vie, je joue, je me joue de tout.
J'achète du sourire, du fer, du
poumon, du cuivre, des corps, des bras. Je prends je vends des
hommes, des terres,de l'eau, de l'air, du vent.
Je prends.
Combien pour le risque, le
dommage, les ravages, combien pour fermer les yeux, combien pour la
vie des uns et la mort des autres.
Jouer pour le vertige du gain
immédiat, pour un peu plus de monnaie, de verts tigres de papier qui
effeuillent nos arbres plus fort que l'hiver. Vert de l'illusion,
produit de la terre, papier contre nature, contre partie de ce que
j'engage mais qui ne m'appartient pas.
Dans les coulisses de nos
marchés, les tigres de papier, l'envers des sourires rassurants qui
me parlent sur un ton joliment dit poli, la vibration d'une langue
qui ruine nos âmes comme science sans conscience.
Je joue je mise j'amasse ou je
perds sur ce grand tapis vert où ma roulette est une terre bleue
dans son univers silencieux.
Texte, © Joël Carayon
Texte, © Joël Carayon